Troisième de D1 Arkema, Bordeaux impressionne par son ascension fulgurante. Au coeur de ce projet solide et ambitieux, Maëlle Garbino et Delphine Chatelin racontent pour l’Équipière leur parcours, et passent en revue les perspectives de développement des Girondines.
Respectivement latérale capable d’évoluer sur les deux côtés et milieu de terrain, Delphine Chatelin (31 ans) et Maëlle Garbino (23 ans), viennent de prolonger au cours du mois de février (ndlr : l’internationale française Charlotte Bilbault également). Entre lutte pour le podium de D1 et Coupe de France, la fin de saison bordelaise s’annonce haletante. Au cours d’un double entretien, les deux joueuses n’ont évité aucun sujet.
« Maëlle, Delphine, quelles sont les raisons qui ont motivé votre prolongation de contrat ?
Maëlle : Le niveau qu’il y a dans cette équipe, l’envie de viser toujours plus haut. Aujourd’hui on est troisièmes et Bordeaux fait partie des meilleures équipes en France.
Delphine : Il y a plusieurs raisons. D’abord, l’ambition qu’a le club d’aller chercher une place dans les deux prochaines années en C1 a joué dans mon choix. Après, il y a le côté affectif qui n’est pas à négliger. Tout au long de ma carrière, j’ai été fidèle en faisant seulement deux clubs (ndlr : Toulouse et Bordeaux). Je suis attachée à la région et à ce club pour lequel je vais jouer ma quatrième saison.
Quels sont les objectifs officiels cette saison ?
Maëlle : On ne veut pas être en dessous de la troisième place, et si on peut faire mieux, on ne s’en privera pas ! On a un très bon groupe avec de très bonnes joueuses. Quatre d’entre-elles ont été sélectionnées en Équipe de France A, ça prouve des choses ! Il faut continuer sur notre lancée et ne pas perdre de match.
Delphine : Troisième, c’est l’objectif de l’équipe. Ensuite, il y a les ambitions individuelles… On a envie d’aller titiller le PSG et pourquoi pas accrocher la Ligue des Champions dès cette saison, je pense qu’on y pense toutes dans un coin de notre tête (ndlr : les deux premières places sont qualificatives, la troisième le sera la saison prochaine). Il y aussi la Coupe même si pour moi, le championnat a plus d’importance.
Cette nouvelle réforme de la Ligue des Champions avec des phases de groupe, elle vous plaît ?
Maëlle : Je trouve que c’est une bonne chose, le football féminin n’est pas différent du football masculin. On essaie d’avoir un peu tout comme les garçons.
Maëlle, vous l’avez dit, quatre Bordelaises ont récemment été convoquées par Corinne Diacre pour le Tournoi de France. Avez-vous l’impression d’être au bon endroit au bon moment pour y prétendre également ?
Ça fait partie des objectifs… Les filles y arrivent, ça prouve que le niveau ici est bon. On travaille chaque jour pour qu’il soit encore meilleur.
Delphine Chatelin « J’aime mettre un bon petit tacle ! »
Beaucoup d’observateurs trouvent que vous êtes dans la forme de votre vie, c’est vrai ?
Qu’est-ce que vous aimez dans ce poste de latérale ?
J’aime défendre, mettre un bon petit tacle et puis aussi faire des passes décisives ou marquer comme à Dijon et vivre des moments comme ça, c’est pour ça que j’affectionne ce poste.
Inès Jaurena et Charlotte Bilbault ont signé cet été. Maëlle, avez-vous eu peur pour votre temps de jeu ? Comment se passe la concurrence ?
Ce sont des filles que j’apprécie énormément, je suis très amie avec elles, c’est une concurrence saine, car ce sont avant tout des amies. La meilleure joue et moi je prends le temps de jeu que j’ai (ndlr : 15 apparitions, 6 titularisations cette saison).
Delphine, en tant que joueuse plus expérimentée, quelles qualités font la force de Maëlle dans l’entrejeu et quels sont les points qu’elle pourrait améliorer ?
(Elle sourit). Ses qualités, c’est sans aucun doute sa technique et sa vision du jeu. Elle a un sens du football très développé, j’aime jouer avec elle ! Mais je pense qu’elle doit gagner en confiance et progresser physiquement, dans le volume de jeu.
Maëlle, à votre tour : quelles sont les qualités et points de progression de Delphine ?
C’est une très bonne joueuse qui percute balle au pied. Elle est capable d’éliminer ses adversaires avec son super pied gauche. Après, il faut juste qu’elle soit plus technique (rires) !
Maëlle Garbino « Pedro Martinez Losa vit le foot ! »
Que vous apporte votre coach Pedro Martinez Losa à toutes les deux et à l’ensemble du groupe ?
Maëlle : Il apporte du professionnalisme, il a coaché de grandes équipes (ndlr : Rayo Vallecano et Arsenal). Il a la vision à l’espagnole : possession et conservation. C’est un peu nouveau pour nous. Il nous a appris à ne pas avoir peur quand on avait le ballon, surtout avec le potentiel des joueuses qu’on avait.
Delphine : Pedro apporte une nouvelle méthode de travail avec beaucoup de terrain. Avec son adjoint, ils ont aussi apporté une rigueur et accordent beaucoup d’importance au ressenti. L’entraînement est très individualisé et c’est ce qui fait notre force, on a toutes progressé individuellement. Le collectif en ressort forcément gagnant !
Maëlle : On joue au football et lui vit le foot, ça se sent !
Bordeaux a franchi un cap cette saison avec le nouveau staff, la nouvelle organisation. Comment les progrès se traduisent-ils quotidiennement dans le projet bordelais ?
Maëlle : Ils font beaucoup pour nous et c’est comme ça qu’on évolue petit à petit. Il y a les infrastructures, les kinés, les médecins. On a entraînement le matin, on déjeune ensemble, c’est vraiment important pour avancer. En étant formée à Lyon, j’ai appris le professionnalisme. Quand je suis partie à Sainté ça n’avait rien à voir. Ici je retrouve ce monde là, cette rigueur, c’est une bonne chose !
Delphine Chatelin : « Maintenant, les jeunes joueuses ont l’ambition de vivre de leur sport ! »
Delphine : Il y a un monde entre mon arrivée en 2016 et aujourd’hui. En termes de contrats, toutes les joueuses étaient amatrices, la plupart des filles étudiaient ou travaillaient à côté. Maintenant on est toutes pros. C’est déjà une grosse différence. Comme dit Maëlle, il y a les infrastructures, on est associées au centre de formation des garçons, donc on bénéficie de la salle de musculation, des bains chauds et froids qui sont importants pour nous pour la récupération. Avant, le soir après l’entraînement, on devait laver nos affaires, maintenant tout est pris en charge. C’est un tout !
Delphine, comment percevez-vous l’évolution de la D1 depuis vos débuts en 2003 ?
À mes débuts, on partait presque d’une feuille blanche. Ce n’était pas du tout structuré, on était livrées à nous-mêmes. La professionnalisation a fait que les filles entrent très tôt dans les équipes pros et accordent plus de temps au football. Maintenant, les jeunes joueuses ont l’ambition de vivre de leur sport ! Lorsque je suis partie de chez moi à 14 ans, je n’aurais jamais pensé vivre du football. Je voulais jouer pour me régaler, parce que c’était ma passion. Les deux points de vue sont intéressants, je ne regrette pas d’avoir vécu cette transition, j’ai pu développer beaucoup de choses, notamment au niveau de mes études.
Dimanche contre Metz, votre match de D1 se déroulera au Matmut après le match de l’équipe masculine, l’occasion peut-être d’attirer un public plus large. Ressentez-vous un engouement populaire autour de vos bons résultats ?
Maëlle : Si on gagne, les gens auront plus envie de nous voir, il faut continuer pour avoir encore plus de visibilité pour le foot féminin en général. Jouer au Matmut, ça fait plaisir. C’est un grand stade et c’est très rare pour nous de jouer dedans. Si les personnes qui viennent voir jouer les garçons pouvaient rester pour nous voir, ce serait une bonne chose, ça nous donnerait encore plus de motivation ! »
Pour plus d’informations sur ces deux joueuses, retrouvez la fiche technique de Delphine Chatelin par ici, et celle de Maëlle Garbino par-là !