Le comportement du président de la fédération espagnole à l’égard de Jennifer Hermoso et d’autres joueuses a entaché la finale de la Coupe du monde- ©RFEF
Alors que les Espagnoles ont remporté dimanche dernier leur première Coupe du monde, leur victoire a été largement entachée par le comportement de Luis Rubiales. Le président de la Fédération a annoncé sa démission. Retour sur l’affaire.
Une célébration polémique
Dimanche, quelques minutes après le coup de sifflet final marquant la conquête de la première Coupe du monde du football féminin espagnol, les joueuses de la Roja se présentaient sur l’estrade où elles allaient soulever le trophée. Après avoir reçu leur médaille et les félicitations de la reine d’Espagne, c’était au tour du président de la Fédération, Luis Rubiales, de saluer ses joueuses. Et le plus haut représentant du football espagnol n’y allait pas de main morte, étreignant, portant les joueuses et en embrassant certaines jusque dans le cou. Quand est venu le tour de Jennifer Hermoso, attaquante emblématique de l’équipe, le président a dépassé ce stade de proximité en s’autorisant à embrasser la joueuse sur la bouche.
Quelques minutes plus tard, alors qu’Olga Carmona se filmait en train de célébrer avec ses camarades, Luis Rubiales s’est approché de la caméra avant d’embrasser l’unique buteuse de la partie sur la joue. Le président a également été photographié portant Athenea del Castillo d’une façon relativement inattendue pour un président de fédération.
Outre son comportement envers les joueuses, Rubiales s’est fait remarquer quelques secondes après la fin du match pour un geste particulièrement inélégant. Debout pour applaudir la sélection, le responsable est allé jusqu’à toucher ostensiblement ses parties génitales.
Jenni ha hablado del beso de Rubiales.
— Relevo (@relevo) August 20, 2023
💬 “Eh, pero no me ha gustado”.
🎥 @Jennihermoso pic.twitter.com/yj8h1p3r5W
🎥 Los dos planos de la vergüenza.
— Relevo (@relevo) August 21, 2023
El gesto obsceno de Luis Rubiales, presidente de la RFEF, a escasos metros de la Reina Letizia y la Infanta Sofía. pic.twitter.com/39Av7ljGFb
Des excuses forcées
Interrogé à la radio peu de temps après le tollé suscité par les événements, Luis Rubiales avait indiqué ne “pas se préoccuper des idiots”, qui selon lui, donnaient de l’importance à un geste “amical”. Face à l’ampleur des réactions suite à son geste, le président s’est affiché dans une vidéo afin de s’excuser d’avoir embrassé Hermoso. D’après Relevo, il aurait même demandé à la joueuse d’apparaître avec lui, essuyant un refus net de celle-ci. Le sélectionneur Jorge Vilda aurait aussi sondé la famille de l’attaquante, en vain. Le média espagnol a aussi indiqué que le communiqué de Jennifer Hermoso, paru quelques heures après la finale pour commenter la situation, n’avait pas été écrit par la joueuse.
Des réactions en cascade
L’attitude adoptée par Luis Rubiales lors de cette finale retransmise en mondiovision a fait réagir la planète entière. À l’étranger, CNN, Le Monde ou encore The Guardian ont dénoncé son geste. En Espagne, le sujet est à la une des journaux depuis dimanche, la performance des 23 championnes du monde ayant été reléguée au second plan voire oubliée.
La classe politique a elle aussi largement commenté le comportement de Rubiales, certains demandant sa démission à l’instar de Yolanda Diaz, vice-présidente du gouvernement espagnol. Le Premier Ministre Pedro Sanchez, qui considère le geste “inacceptable”, a reçu la sélection deux jours après son sacre, offrant une froide poignée de main au président du football espagnol.
Dans le milieu footballistique, les réactions n’ont pas manqué. Le joueur Isco a annoncé soutenir Jennifer Hermoso face à cet “abus de pouvoir”. L’entraîneur madrilène Carlo Ancelotti a lui dénoncé ce qui “n’est pas un comportement de président de fédération”. Hermoso a confié la défense de ses intérêts au syndicat Futpro, qui a invité la fédération à prendre des “mesures exemplaires”.
Plusieurs organismes, comme la Liga F, ligue féminine espagnole de football, ou le parti Sumar de Yolanda Diaz, ont dénoncé Rubiales devant le Conseil supérieur du sport (CSD). De son côté, la FIFA a elle ouvert une enquête disciplinaire.
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Une gloire éphémère
Luis Rubiales avait pourtant presque réussi son coup. Alors qu’en début de saison, 15 internationales avaient demandé à ne plus être sélectionnées tant que de meilleures conditions de travail ne seraient pas mises en place. Le président et son entraîneur avaient fait bloc pour ne pas céder à la pression. Rubiales avait réaffirmé une confiance maximale en Jorge Vilda et son staff, en annonçant que les joueuses “frondeuses” ne pourraient revenir qu’à condition de présenter leurs excuses. Quelques semaines avant le Mondial, après des discussions entre les parties, la majorité des Espagnoles en retrait s’étaient à nouveau rendues disponibles pour disputer la plus grande des compétitions. Malgré de nombreuses critiques tout au long de l’exercice 2022-2023, ce sont finalement bien Jorge Vilda et Luis Rubiales qui ont soulevé la Coupe du Monde à Sydney.
Cette gloire a été de courte durée pour le président. Hier matin se tenait une assemblée exceptionnelle au siège de la RFEF. Pendant de longues minutes, Luis Rubiales s’est exprimé devant une salle où Jorge Vilda et Luis de La Fuente, sélectionneur de la Roja masculine étaient au premier rang. Le président a commencé par s’excuser pour son geste dans la tribune présidentielle. Selon lui, il s’agissait simplement d’une émotion incontrôlée face à l’accomplissement du sélectionneur alors que les deux hommes “ont traversé de nombreuses choses et beaucoup souffert cette saison” avec la fronde d’une partie des Espagnoles.
Vergüenza ajena. 🤦🏻♂️
— Iker Casillas (@IkerCasillas) August 25, 2023
Me sangran los oídos 🎪🎭
— David de Gea (@D_DeGea) August 25, 2023
Est ensuite venu le tour des explications sur le baiser. “Spontané”, “mutuel”, “euphorique” et “consenti” ont été les mots utilisés par Rubiales pour décrire son geste, déplorant être la victime d’un supposé “assassinat social”. Il n’a ensuite cessé de répéter qu’il n’allait pas démissionner et récolté les applaudissements de large partie de son audience. Alors que plusieurs médias espagnols avaient révélé dès hier soir que le président quitterait de ses fonctions, c’est à la surprise générale que ce dernier est toujours à la tête de l’organisation à l’heure actuelle.
Cette nouvelle sortie a à son tour donné lieu à un torrent de réactions. Alors que le Conseil du sport devrait agir pour écarter Rubiales, les championnes ont publié un communiqué de soutien à Jennifer Hermoso, qui indique ne pas avoir donné son consentement. Les 23 Mondialistes ainsi que de nombreuses joueuses ont déclaré dans un communiqué qu’elles “ne reviendraient pas en sélection si les dirigeants actuels restent en place.” L’international du Real Betis Borja Iglesias a lui aussi annoncé qu’il ne revêterait plus l’uniforme de la Roja tant que des changements n’auront pas été effectués.