Division 2L'Actu

Au Rendez-vous des Aiglonnes

Par 04/08/2020 08:30 No Comments
OGC Nice 2020
Les Rouges et Noirs niçoises ont retrouvé leur terrain, recouvert d’un nouveau synthétique, un vrai billard. – ©Philippe Serve
À un mois de la reprise du championnat de D2, L’Équipière rend visite à l’OGC Nice qui s’apprête à disputer sa deuxième saison consécutive à ce niveau. Rencontre et entretien avec le coach, Matthieu Esposito, et trois joueuses : la capitaine Catherine Szynal, la Suissesse Céline von Potobsky, arrivée la saison dernière, et l’une des recrues estivales, l’expérimentée Mélissa Godart.

La chaleur est accablante en cette fin de journée estivale sur la Plaine du Var. Les Aiglonnes de l’OGC Nice entament leur troisième semaine d’entraînement qui débouchera dans quelques jours sur leur premier match de préparation à Montauban (1) futur adversaire en championnat.
Les Niçoises se préparent à leur deuxième saison consécutive en D2, quelques mois après avoir achevé de façon imprévue une première année historique au haut niveau. C’est qu’elles en avaient rêvé de la D2, ces filles au maillot rouge et noir, après tant d’espoirs d’accession déçus au bout de barrages sans pitié ! Un certain virus est passé par là, entraînant avec lui, outre ses cohortes de tragédies humaines, l’arrêt définitif des championnats de foot.

Les Niçoises ont échappé ainsi à un autre barrage, celui du maintien en D2. Mais autant l’entraîneur Matthieu Esposito que ses joueuses refusent l’idée que ce maintien avant l’heure ait pu constituer une sorte de « lâche soulagement ». Il restait six journées à disputer. Le GYM avait un calendrier l’autorisant à éviter cette ultime épreuve, même si Catherine (Kash) Szynal, la capitaine, admet qu’elle n’est in fine pas mécontente d’avoir potentiellement échappé à des septièmes barrages consécutifs. Elle est encore traumatisée par les échecs à répétitions au bout de plusieurs années de DH, avant la délivrance de 2019

Je savais, explique Esposito, qu’en étant 10e on ne pouvait pas descendre automatiquement, et janvier-février avait été très prometteur, donc nous avions atteint un état de totale confiance. L’important était de se projeter sur la saison à venir, contrairement à l’année précédente où nous avions eu très peu de temps, une quinzaine de jours, justement en raison des barrages d’accession. Là, trois mois, ça fait une grosse différence, c’est le côté positif de la chose, même si j’aurais préféré qu’on aille sportivement au bout sans cette terrible maladie, mais c’est la vie, c’est comme ça…

MatthieuEsposito Nice
 Matthieu Esposito attaque sa 3e saison à la tête des Aiglonnes, après une montée en D2, suivi d’un maintien –  ©OGC Nice

Retour sur la saison écoulée

Après qu’il eut parsemé le synthétique flambant neuf (un billard !) du stade fétiche de la Plaine du Var nº 1 de plots multicolores qui serviront aux premiers exercices de l’entraînement du jour, Esposito me rejoint à l’ombre du vestiaire…

La plus grande partie de l’effectif, souvent très jeune, avait découvert la D2 la saison dernière. Pour Esposito aussi – jeune entraîneur qui s’apprête à disputer sa troisième saison à la tête de la section féminine de son club de cœur et de naissance – il s’agissait d’un baptême du haut niveau. Le fossé entre R1 (autrefois RH) et D2 l’a-t-il surpris ?

J’étais prévenu et savais à quoi m’attendre. Mais tout de même, je peux avouer avoir été surpris et trouvé ce fossé plus grand que je ne l’imaginais. Tout y est amélioré, dans tous les secteurs : endurance, abattage physique, vitesse de jeu, technique, tactique, une meilleure organisation. C’est normal, une division supérieure. Il a fallu s’adapter. Je ne pensais pas, très honnêtement, qu’il y avait autant de différence. Surtout qu’on avait joué Montauban (D2) ici en Coupe de France la saison précédente, on avait gagné 3-0. Mais là, en championnat, oui ça m’a surpris. Ça a pris un peu de temps, celui de tirer les leçons des premiers matchs.

« J’ai toujours eu confiance en mon groupe, et n’ai jamais douté que nous redresserions la barre »

Ces premières rencontres offrirent des résultats négatifs et cinglants, avec quatre « cartons » : 0-5 au Havre, 0-8 à Saint-Étienne, 0-5 face à Thonon pour la première rencontre à domicile à ce niveau, puis 2-4 à Yzeure. De quoi douter ?

Franchement non, pas du tout, affirme le coach. J’avais dit aux filles qu’on se servirait de ces premiers matchs comme des rencontres d’apprentissage, de préparation supplémentaire. Nous savions que l’on avait à affronter d’entrée les cadors du groupe [qui termineront respectivement 1er, 2e, 6e et 4e] et qu’il fallait en passer par là. Sur la longueur, nous savions qu’on pourrait les accrocher, mais pas d’entrée, en si peu de temps. Ces matchs devaient nous servir à apprendre, à engranger de l’expérience. Et ça s’est confirmé, puisqu’au retour on accroche Sainté 0-0, on gagne à Thonon 1-0, et on fait 2-2 avec Yzeure. J’ai toujours eu confiance en mon groupe, et n’ai jamais douté que nous redresserions la barre. Sur la première partie de saison, je me suis appuyé sur l’idée qu’il fallait faire prendre conscience aux filles de certaines données tactiques.

Les joueuses interrogées plus tard ne diront pas autre chose, même si Kash, en tant que défenseure centrale, avoue volontiers ne pas avoir très bien vécu les 22 buts concédés en 4 matchs, et surtout le 0-5 face à Thonon pour le premier match historique à domicile en D2. «Très compliqué», murmure-t-elle… Céline von Potobsky préfère en rire : 

Ce n’est pas évident d’arriver dans une équipe qui vient de monter en D2, et de prendre quatre claques !

Catherine Szynal et Céline Von Potobsky seront encore cette année deux atouts majeurs du GYM – ©OGC Nice

Une bonne analyse de ces premières rencontres, un changement d’organisation (passage à une défense à cinq), « plus de cohésion et de jeu d’équipe » (Céline), « beaucoup de persévérance » (Kash) firent que les vannes se refermèrent dès le cinquième match. Enfin une première victoire tant rêvée, face à Grenoble et devant les supporters (1-0).

La principale faiblesse de mon équipe l’an passé ? reprend Esposito. Sa jeunesse et son inexpérience. Ça nous a coûté des matchs où l’on n’a pas su tenir le score. D’autres où l’on doit marquer en premier, on ne le fait pas et on perd derrière. On peut se le permettre en DH, pas en D2. La répétition de ces erreurs entraîne l’expérience et la prise de conscience qu’on peut jouer en D2. Une fois que c’est fait, le reste suit. Le groupe est resté très soudé après les départs à la trêve de Dylanie [del Rio, leader technique de l’équipe depuis de très nombreuses saisons] qui avait énormément apporté au club et qui nous avait permis de monter. Elle souhaitait une autre expérience sportive, tout à fait normal [Dylanie est partie à Brest]. Et Élodie [Flory, la capitaine emblématique et défenseure centrale] qui venait de faire une très grosse saison et avait bien commencé, mais qui pour des raisons de reconversion professionnelle et d’âge ne pouvait plus assurer le rythme imposé par une saison de D2.

Quelques mois plus tard, le championnat s’arrêtait définitivement à la 16e journée, entraînant une inactivité footballistique de quatre longs mois pour joueuses et staff, que chacun gérait à sa façon. Esposito en profita pour préparer tranquillement son recrutement à venir et la saison 2020-2021. Kash remonta dans son nord natal auprès de sa famille. Mélissa Godart, l’une des recrues du nouvel exercice et dont le club de Metz était lanterne rouge de D1, entretint un court instant l’espoir d’une reprise (« Les carottes n’étaient pas cuites, nous n’étions pas encore mathématiquement descendues, et nous y croyions toujour»), puis coupa une fois l’arrêt définitif du championnat décidé et son club relégué de facto « au bout d’une année très compliquée pour nous, malgré de bons matchs qui se sont souvent joués à peu de chose »

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Des objectifs à moyen et long termes ambitieux mais en prenant le temps

On le sait, l’OGCN est un club qui (re)monte en puissance chez les garçons, toujours à la recherche de son magnifique passé du début des années 50. Le rachat du club il y a un an par le groupe de pétrochimie INEOS, propriété de l’homme le plus riche du Royaume-Uni Jim Ratcliffe, l’a fait accéder à une autre dimension. La section féminine demeure rattachée à l’association, et non à la section professionnelle. En conséquence, l’argent investi au niveau du club ne « ruisselle » pas encore chez les filles et, même s’il ne fournit pas de chiffre, Esposito nous indique que le budget concernant ses protégées n’a pas explosé d’une année sur l’autre. Même le changement de règlement autorisant désormais la signature de douze contrats fédéraux en D2 pour une même équipe n’a pas entraîné de changement notable dans la gestion du GYM. Quatre contrats cette année contre trois la saison passée. Pourtant, nous assure le coach, il ne faut pas y voir un quelconque manque d’ambitions. Celles-ci sont claires et nettes : 

L’OGC Nice est un tout, nous représentons la section féminine et portons haut et fiers les couleurs du club. L’idée est de s’installer au niveau national, d’avoir une équipe de garçons en L1 et de filles en D1. On se donne deux à trois ans pour réussir ça. L’idée est de se stabiliser en D2 où nous allons connaître seulement notre deuxième saison, puis de monter et de pérenniser notre présence au plus haut niveau. Là, les gens de l’Association nous aident, nous poussent, nous tirent, parce que c’est le club et que tout le monde tire pour les couleurs rouge et noir, et moi en premier en tant que Niçois…

La politique des petits pas, ou plutôt celle d’une ascension progressive et maîtrisée vers et dans l’élite, est manifestement privilégiée à celle du « tout, tout de suite ».

« J’ai souhaité renforcer tout ce qui constitue la colonne vertébrale de l’équipe. Défense centrale, milieu, pointe offensive »

Un recrutement intelligent

Cette montée régulière en puissance, on la constate indubitablement depuis trois ans. Des renforts (notamment venus de l’OM) pour accéder en D2, d’autres encore bien réfléchis et efficaces la saison dernière (Barbara Bouchet, Monica Siskovic, Céline von Potobsky, Océane Closset), et pour cette nouvelle saison, un lot de six recrues très expérimentées (une septième n’est pas à exclure, à l’essai actuellement) : à Mélissa Godart (ex-Soyaux et Metz entre autres) déjà citée, s’ajoutent Sarah Palacin (passée par l’ASSE, le PSG, Fleury et l’OM), Juliane Gathrat (ex-Metz, Bordeaux, Nantes), Anaïs Chareyron (ASSE, Rodez), la native de Marseille Inès Djeidjé Koré (St Maur, Issy, Orléans) et Morgane de Seixas (Juvisy U19, Tremblay, Brest, St Maur).

Esposito explique ses choix :

J’ai souhaité renforcer tout ce qui constitue la colonne vertébrale de l’équipe. Défense centrale, milieu, pointe offensive. J’ai de nombreuses possibilités avec les filles à disposition. Je peux jouer avec une pointe [Koré a priori] ou deux, avec Sarah [Palacin] plus sur un côté. J’ai déjà une idée assez précise de ce qui pourrait être un 11 type, mais les matchs de préparation apporteront des informations dont il faudra tenir compte.

Inès Djeidjé Koré sera-t-elle la buteuse espérée pour la saison 2020-2021 ? – ©Philippe Serve

Une chose est certaine : l’effectif est riche et très équilibré entre les plus jeunes (Chloé Charrier, Sandra Rochetaing, Sylviane Gomes, Océane Élineau, Mélanie Haffafs, Coline Bouby, Lola Chezeau, Lola Gagnepain) et les anciennes pleines d’expérience. Les recrues apportent — c’est déjà flagrant aux entraînements — du physique et de l’impact (Godart, Koré, De Seixas), de la vivacité technique et de la fluidité (Gathrat, Chareyron, Palacin). Les filles se montrent appliquées aux exercices proposés par Esposito et son adjoint, le préparateur physique Enzo Duriatti. Tout ça dans une bonne humeur communicative qui, visiblement, a déjà permis une parfaite intégration des recrues.

Que viser pour la saison à venir ?

À la question, Esposito se montre encore très clair : terminer dans les six premiers, autrement dit la première moitié du tableau, « difficile, mais faisable » précise-t-il, afin d’assurer un maintien « tranquille », acquis avant les dernières journées. Comme souvent dans les clubs, les joueuses, tout en intégrant parfaitement l’objectif assigné, n’hésitent pas à rêver un peu plus haut. Ainsi, Mélissa Godart n’attend même pas que la question soit finie d’être posée pour répondre d’un ferme « La 3e place ! ». Céline von Potobsky, révélation de la saison écoulée, la suit avec « le haut du tableau ». Kash montre plus de prudence, sans refuser l’idée que « si on peut faire mieux que l’objectif du club »

Un calendrier favorable? 

Un simple regard jeté au calendrier révèle que les Niçoises ne joueront pas a priori leur premier très gros match avant la 7e journée (à Saint-Étienne). Auparavant, deux déplacements chez des promus (Mérignac et Nîmes) plus un — certes pas facile — à Rodez, et trois rencontres à domicile contre Yzeure (qui a perdu la meilleure buteuse du championnat, Ribeyra, ainsi que l’emblématique Chalabi), Grenoble et Albi, miraculé du groupe A la saison dernière.

Mais lorsqu’on demande à Esposito s’il a fixé un objectif de points au bout de ces six rencontres, il réfute tout calcul de cette sorte et ne veut pas en entendre parler. D’abord, par respect pour ses futurs adversaires, ensuite sans doute par prudence, car on ne sait jamais ce qu’un match de football peut réserver. 

Aucun objectif précis pour ce début de championnat, non. On fera le bilan au 1er novembre, juste après le match à Sainté, on sera au tiers du championnat. Pas de pression particulière. Sachant d’où on vient, on sait qu’il n’y aura pas de match facile, malgré notre bon recrutement.

Mélissa Godart ira un peu plus tard dans le même sens, insistant sur le fait que toutes les équipes de D2 se renforcent avec des joueuses venant souvent de D1, celles-ci « chassées » par les arrivées de plus en plus nombreuses de joueuses étrangères dans l’élite. Elle prévoit un niveau en D2 encore supérieur cette année, avec des matchs très chauds.

Mélissa Godart, nouvelle aiglonne, pourrait bien s’imposer en patronne de l’équipe – ©Philippe Serve

Après l’entraînement, gorgé de promesses pour les mois à venir, retrouvailles avec Kash, Mélissa et Céline qui ont la gentillesse de s’attarder un peu pour l’entretien. La capitaine, qui avait connu la D2 six ans en arrière (elle jouait alors à Rouvroy) a (re)découvert un nouveau monde la saison dernière :

Le championnat n’est plus le même. Ça s’est bien développé, et heureusement ! Beaucoup plus de jeunes joueuses. J’en déduis que la formation a bien évolué depuis cette époque. Après, je jouais dans le groupe A, celui du nord, et il y a une grande différence entre le jeu pratiqué au nord et au sud. 

Mélissa approuve aussitôt :

La poule sud est plus technique et tactique. Au nord, c’est plus dans les duels, plus costaud…
Oui, plus rugueux, ajoute Kash. On se rentrait dedans beaucoup plus qu’ici.

Céline, elle, avait joué deux ans auparavant à Ambilly. Et elle aussi, sur une plus courte période, dénote des changements.

Ils professionnalisent davantage. Il y a aussi plus de filles d’expérience intégrant ces équipes de D2, assurant un niveau plus élevé, ça évolue incontestablement.

Mélissa n’avait pas envisagé de venir à Nice dans un premier temps. Son désir se tournait vers l’étranger, et en particulier du côté de Glasgow. Mais un peu d’attentisme écossais à traduire par écrit des promesses orales d’une part, et l’appel de Esposito, le sérieux du projet avancé et la connaissance personnelle des autres recrues (Palacin, Gathrat…) de l’autre, firent que l’ancienne joueuse de Soyaux a choisi le soleil et la chaleur (« dans une semaine, je suis noire ! ») de la Côte d’Azur… Et Céline ? Pourquoi Nice la saison dernière ? La joueuse suisse rit :

Le soleil ! Non, je voulais concilier études (STAPS) et football. Nice m’a proposé son projet, le club m’a plu, la ville aussi.

Il est l’heure de libérer les trois joueuses. Et même si — on l’aura compris — une certaine prudence est de mise au club, il ne nous étonnerait guère de voir un joli vol d’Aiglonnes régaler bien plus d’une fois les publics de D2 cette saison…

1. Match joué ce dimanche et ponctué par une large victoire, 4-1, avec un doublé de Sarah Palacin, un but de Rachel Robert et un de la joueuse à l’essai.

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