Couverture d’ « Azadeh, l’Iranienne passionnée de foot » – ©Parastou Haghi
Paru le 23 août dernier, le livre « Azadeh, l’Iranienne passionnée de foot » est bien plus qu’un simple conte. A travers cet un album jeunesse, Pog et Parastou Haghi offrent un regard critique sur l’égalité femmes/hommes en Iran, à travers le prisme du football.
C’est l’histoire d’Azadeh, une jeune Iranienne qui ne jure que par le football. Lorsqu’elle n’y joue pas avec son équipe, elle ne manque pas de se rendre au stade pour assister à des matchs. Mais contrairement à de nombreuses jeunes filles qui peuvent pratiquer ce sport librement dans le monde, Azadeh ne peut pas profiter de sa passion en totale liberté en Iran.
Les Iraniennes interdites de stade
Des femmes, des hommes, des enfants réunis dans un stade. L’image est devenue presque monnaie courante aujourd’hui dans de nombreux pays. Si cela peut paraître anodin, ce n’est pas le cas partout ailleurs. En Iran, et ce depuis la révolution islamique de 1979, les femmes ne sont pas autorisées à assister aux compétitions sportives masculines dans les stades. Malgré cette interdiction, certaines rusent pour pouvoir y accéder, en se déguisant en homme pour se fondre dans la foule. Mais ce n’est pas sans risque.
En mars 2019, Sahar Khodayari, une jeune Iranienne de 29 ans, a été arrêtée pour avoir tenté d’entrer dans un stade de foot à Téhéran pour assister au match d’Esteghlal, son équipe favorite. En signe de protestation avant son jugement, la jeune fille s’est immolée par le feu devant le tribunal le jour de son procès. Une histoire tragique, parmi d’autres, qui a contribué à inspirer l’histoire de l’héroîne Azadeh.
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Le football, un espace de liberté et d’indépendance pour les Iraniennes
Pog, auteur, et Parastou Haghi, illustratrice, n’en sont pas à leur première collaboration. Après la publication de leur premier livre « Le Port d’Anzali » en 2016, ils ont décidé de travailler sur un nouveau projet, avec pour sujet le sport féminin. « Des amies qui adorent le foot mais qui rencontrent des difficultés à aller au stade pour voir des matchs à côté d’hommes », explique Parastou.
S’ils ont longtemps hésité sur le format de cette histoire, les auteurs ont finalement opté pour l’album jeunesse. « À mon sens, les albums jeunesse permettent de garder une certaine fraîcheur même lorsqu’on aborde des sujets sensibles », explique Pog.
« La liberté ». Voilà le message que voulait faire passer Parastou Haghi, l’illustratrice d’Azadeh. En septembre 2022, au moment où les éditions “Des Ronds dans l’O” ont décidé de publier son projet commun avec Pog, l’auteur de l’album, des mouvements de protestations sont survenus en Iran après la mort de Mahsa Amini. Cette étudiante iranienne est décédée trois jours après avoir été arrêtée par la police des mœurs en septembre 2022 pour « port de vêtements inappropriés ». Sa mort avait alors provoqué une vague d’indignation dans tout le pays et au-delà des frontières. Malgré elle, la jeune femme est devenue énième symbole de l’oppression du régime iranien. « À ce moment-là, je me suis dit qu’à travers ce projet, je souhaitais montrer comment les Iraniennes et les Iraniens se battent pour leur liberté et pour leurs droits », raconte l’illustratrice.
Dans un pays où les femmes font l’objet de nombreuses interdictions, le football devient lui aussi une forme de combat, un moyen pour elles de s’exprimer librement. « Dans les stades, les femmes peuvent crier, jurer, se défouler. Mais aussi parler, échanger, revendiquer. Ce sont devenus des espaces de liberté pour elles », explique Pog.
Illustration de supportrices iraniennes lors d’un match de football – ©Parastou Haghi
Un album jeunesse pour aborder un sujet d’actualité
En juillet dernier, le président de la Fédération iranienne de football a annoncé que les femmes allaient être autorisées à assister à des matchs du championnat de football masculin. Mais malgré une certaine évolution ces dernières années, Parastou Haghi ne nourrit pas beaucoup d’espoir. « A chaque fois, le gouvernement annonce permettre à un nombre limité de supportrices, sous plusieurs conditions, d’assister à certaines rencontres de l’équipe nationale. Mais après, rien de spécial et de nouveau : le gouvernement finit par refuser aux femmes l’entrée des stades ».
Avec cet ouvrage, les créateurs d’Azadeh espèrent que les Iraniennes et notamment les footballeuses continueront à franchir les barrières et réussiront à réaliser leurs rêves.