©Utah Royals FC
A la suite de nombreuses affaires, dont des déboires racistes du propriétaire de Utah Royals, la franchise de la NWSL vient de trouver des acheteurs. Obligé de se relocaliser à Kansas City, le rachat du club sonne le glas de la NWSL dans l’Utah. Récit du naufrage d’un projet qui avait pourtant tout pour réussir.
L’histoire de la NSWL à Salt Lake City aura été brève. Trois ans après le rachat et la délocalisation du club de Kansas City FC pour l’Utah, l’équipe or et bleue est en passe de retourner sur ses terres d’origine du Missouri. Une question de survie pour la franchise en recherche d’acheteurs depuis fin août.
Un projet prometteur
Le 1er Décembre 2017, en grande pompe, Utah Royals se dévoilait comme la nouvelle équipe de la NWSL. Une nouvelle ville, un nouveau logo, de nouvelles couleurs, de nouvelles infrastructures et surtout l’opportunité d’un nouveau départ pour la franchise anciennement localisée dans le Missouri, sous le nom de Kansas City FC. En grande difficulté managériale et financière, l’équipe de Kansas City avait alors été sauvée par le rachat de ses droits d’exploitation et des contrats des joueuses par Dell Loy Hansen – propriétaire du Real Salt Lake, club de Major League Soccer (MLS). La condition de ce rachat était la délocalisation de l’équipe dans l’Utah et le rattachement de cette dernière au club masculin de la capitale de l’État.
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L’annonce de l’arrivée de la NWSL dans l’Utah avait suscité un vent d’enthousiasme chez les supporters et les joueuses. Après des années plus que compliquées dans le Missouri, les joueuses découvraient alors des infrastructures – partagées avec Real Salt Lake – dignes des plus grands clubs, de vestiaires tout neufs, et d’une coach – Laura Harvey – appréciée et fédératrice. Les dirigeants semblaient prêts à mettre les moyens pour faire prospérer le projet et une communauté avide de supporter cette équipe féminine les attendait. De leur côté, les fans étaient ravis de voir leurs joueuses fétiches enfin bénéficier de conditions d’entraînement et d’encadrement à la hauteur du niveau et des ambitions de la ligue. Dans l‘effectif, des joueuses phares de Kansas City ont suivi la délocalisation depuis le Missouri – Becky Sauerbrunn et Amy Rodriguez, entre autres. Mais le club avait aussi dès le départ affiché ses ambitions avec le recrutement de certains grands noms du football féminin comme Kelley O’Hara. Pour sa première année dans le championnat, le club au logo de lion s’était même hissé à la 5ème place. L’année suivante, il avait une nouvelle fois marqué un gros coup avec l’acquisition de l’internationale américaine Christen Press. En somme, Utah Royals avait tout pour réussir
Des dirigeants fautifs, des joueuses qui en payent le prix
Pourtant, trois ans après, sans propriétaire, en recherche de racheteurs pour sa survie, sans plus aucune joueuses internationale dans l’effectif et avec un seul match gagné durant les deux compétitions – la Challenge Cup et les Fall Series – qui ont composé cette saison si spéciale, le club de l’Utah est en bien mauvaise posture.
En cause, on retrouve en première ligne Dell Loy Hansen, l’homme qui avait pourtant sauvé le club de la disparition en 2017. Tout a commencé à la suite d’un commentaire du propriétaire de Real Salt Lake et de Utah Royals suite au boycott d’un match par son équipe de MLS en soutien au mouvement Black Lives Matter (“Les vies noires comptent”). L’homme d’affaires a interprété ce refus des joueurs de participer à la rencontre comme un “manque de respect profond envers sa personne” et l’a apparenté à “un coup de couteau dans le dos”. Il est allé jusqu’à dire que cela l’avait « découragé et démotivé à investir dans ses équipes”. Il a, de fait, indiqué qu’en conséquence il n’autoriserait pas les fans à assister aux matchs de Real Lake City et procéderait au renvoi de 50 employés. Écoeurés par cette réaction et par le manque de soutien du propriétaire de leur club à la lutte contre le racisme, de nombreux joueurs, joueuses et soutiens sont montés au créneau appelant à une démission de Dell Loy Hansen. S’en est suivie une enquête de The Athletic qui a révélé le passif raciste du propriétaire de Utah Royals, le poussant ainsi à annoncer fin août qu’il vendait ses clubs et quittait ses fonctions. En parallèle de cette affaire, les langues ont commencé à se délier et à dénoncer l’environnement toxique instauré par l’homme d’affaires utahain et ses proches collaborateurs. Ainsi, la mauvaise presse et les affaires se sont enchaînées et les têtes ont commencé a sauter une par une, laissant le club or et bleu quelque peu orphelin.
Déjà sans propriétaire et en difficulté pour trouver des racheteurs, quelques semaines après l’enquête de The Athletic, c’était au tour d’Andy Caroll – un des principaux dirigeants du club – de quitter le navire. Accusé de sexisme pour avoir exigé des photoshoots “sexy” afin de promouvoir Utah Royals, il avait également demandé – noms à l’appui – que les joueuses “trop moches » ne figurent pas sur les campagnes de promotion de l’équipe. Jamais deux sans trois, il y a quelques semaines, c’était au tour du coach des Royals – Craig Harrington – de se faire débarquer après des plaintes pour commentaires inappropriés à caractère sexuel qu’il aurait adressés à des membres du staff à de multiples reprises. Bien que remplacé au pied levée par la coach assistante Amy LePeilbet, la situation reste plus que délicate pour le club.
Retour à Kansas City, une fausse bonne solution ?
La priorité était donc de trouver des acheteurs pour la franchise de la NSWL de Salt Lake City et ils ont été trouvés dans le couple d’entrepreneurs formé par Chris and Angie Long. S’il s’agit d’une bonne nouvelle pour le club voué à disparaître en cas de non reprise, ce rachat a un prix : un re-déménagement dans le Missouri. En effet, les nouveaux propriétaires étant basés à Kansas City, le club or et bleu va devoir retourner sur ses terres d’origines, seulement trois ans après s’être envolé pour l’Utah. Alors que la délocalisation à Salt Lake City avait permis un développement fulgurant de la franchise, ce retour aux sources risque de porter un coup aux perspectives et ambitions du club. Contrairement à son équivalent masculin, la NWSL n’a pas les moyens de reprendre les rênes du club le temps de trouver un repreneur et de le maintenir dans l’Utah. L’histoire semble donc se répéter pour cette franchise, de nouveau amenée à migrer. Un coup dur pour les joueuses, les fans mais aussi la NWSL.
En effet, si sur le plan sportif, Kansas City FC avait marqué de son empreinte le championnat américain avec deux sacres de champion de la NWSL d’affilée (2014 et 2015), hors du terrain, la franchise s’était distinguée pour des raisons bien moins honorables. Elle restera dans les annales de la ligue comme l’un des clubs les plus mal managés, un des moins promus ou soutenus dans une ville qui se clame pourtant comme “la capitale américaine du football”, et surtout un des clubs avec les conditions de jeu et d’entraînement les moins satisfaisantes du championnat. La franchise était ainsi en grand manque de moyens mais aussi de supporters.
Utah Soccer LLC Transfers Ownership of #URFC to Group in Kansas City, retains rights to re-establish the Utah Royals FC name and franchise in 2023.
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À Salt Lake City, les Royals bénéficiaient d’une grande base de fans et avaient réussi en seulement trois ans à créer un engouement plus important que celui jamais créé à Kansas City en huit ans d’existence. Ce retour dans le Missouri est donc un véritable recul pour le club et les joueuses. Pour couronner le tout, l’équipe de MSL locale a indiqué qu’il ne serait pas possible de partager leurs infrastructures avec la franchise féminine. En attendant la construction d’un nouveau stade – ouverture prévue pour l’été 2022 dans le meilleur des scénarios – Amy Rodriguez et ses coéquipières investiront le T-Bones Stadium, un terrain de ligue mineure de baseball.
Après le départ de Becky Sauerbrunn pour Portland, celui de Kelley O’Hara pour Washington et la perte des droits de Christen Press au profit de la nouvelle franchise de Louisville – qui fera ses débuts en NWSL la saison prochaine – l’effectif des Utah Royals se retrouve aussi diminué. Le club va devoir reprendre ses marques à Kansas City et retrouver une dynamique positive afin d’essayer de tirer le meilleur de ce contexte et cet environnement peu propice à son développement. A noter qu’un retour de la franchise dans l’Utah pour 2023 n’est pas exclu. Affaire a suivre.