
Joueurs et joueuses de l’Entente UNADEV PACA – Endoumes. De gauche à droite : en haut : Leila (coach adjoint), Sofian, Pierre (entraîneur), Djebriel, Cathy (coach). En bas : Bastien, Jessica, Hamza. © Jessica Zizzo
Le cécifoot, football à 5 joueurs déficients visuels, est un sport paralympiques… pour les hommes. La pratique féminine, comme c’est le cas en France, reste très marginale. Entretien avec Jessica Zizzo, joueuse française de cécifoot.
Il y a quelques semaines, l’Autriche créait son équipe nationale féminine de cécifoot. Aujourd’hui, à trois ans des Jeux de Paris 2024, la pratique féminine du cécifoot est un titre qui ne reflète pas forcément de réalité. Le cécifoot est un handisport qui se joue avec des équipes de 5 joueurs déficients visuels, à l’exception du gardien de but qui est voyant. Il existe deux catégories :
- B1, réservée aux non voyants : « joueurs aveugles ou ayant une faible perception lumineuse. Les joueurs évoluent avec des patchs oculaires et un bandeau sur les yeux. »
- B2-B3, réservée aux malvoyants : « au niveau international, l’acuité visuelle du meilleur œil après correction ne doit pas dépasser 1/10e (tolérance au niveau national jusqu’à 2/10e) ou excéder 20° de champ visuel. »
Le cécifoot se base sur les règles de la FIFA, avec des aménagements qui tiennent compte de la situation de handicap des athlètes. Par exemple, les joueurs se servent du bruit émis par les grelots à l’intérieur du ballon pour mieux le repérer, ou des consignes des coachs sur le bord du terrain. Si le cécifoot est présent aux Jeux Paralympiques depuis Athènes en 2004, il l’est pour l’instant exclusif aux équipes masculines. L’Équipe de France masculine performe d’ailleurs au plus haut-niveau, avec une médaille d’argent aux Jeux Paralympiques de Londres 2012 et une qualification pour Tokyo 2021.
Côté féminin en revanche, la pratique est encore embryonnaire. L’Équipière s’est entretenue avec Jessica Zizzo, membre du comité directeur du comité départemental handisport des Bouches-du-Rhône et surtout joueuse en catégorie malvoyante au sein de l’Entente UNADEV PACA – Endoumes.
Fin du top 5... ⚽️
— Yvan Wouandji (@yvanwouandji) May 11, 2020
But du jour...France VS Allemagne #🥇#Cecifoot
PS: Le gardien de but est voyant pic.twitter.com/DVFK8t0pM7
Actuellement, où en est le cécifoot féminin en France ?
Il y a quatre ans, on avait mis sur pied une équipe féminine avec des joueuses venant de la France entière. Après deux saisons, chacune d’entre nous a suivi un chemin un peu différent. J’ai repris après ça dans mon club où je joue avec des garçons. Pour l’instant, je crois que je suis la seule fille en fait, peut-être une autre en région parisienne. Au dernier championnat la saison passée, j’étais la seule en tout cas. Ce qui est sûr c’est qu’il n’existe pas aujourd’hui, ou par le passé d’ailleurs, d’Équipe de France féminine, que ce soit en catégorie non-voyante ou mal-voyante.
À propos de la mixité sur les matchs, est-ce que ça a pu poser problème ?
Franchement non, quand je suis sur le terrain je m’en fiche d’être une fille. On fait du foot avant tout.
Concernant le développement de la pratique, quels sont les principaux acteurs ?
L’acteur principal ce sont les clubs handisports, avec le soutien de la Fédération Française Handisport, représentée par Charly Simo, directeur sportif des sports pour déficients visuels. Il y a un an et demi le projet d’une équipe de France féminine a été évoqué, mais on s’est heurté au problème qu’il n’y a pas assez de joueuses. La difficulté est la même semblable à tous les sports pour les déficiences visuelles de manière générale à savoir où aller chercher les jeunes, pour avoir une pratique pérenne.
« Ce qu’il manque au cécifoot, c’est une icône à laquelle se rattacher. »
Quel serait donc la clé pour le futur ?
La communication. C’est le fond du problème avec la sensibilisation. Il existe des établissements spécialement pour déficients visuels comme l’INJA [Institut National des Jeunes Aveugles] ou l’AVH [Association Valentin Haüy]. La plupart des joueurs viennent de là, c’est grâce à l’AVH et ma formation de kiné que j’ai connu le cécifoot. Donc c’est un vrai vivier. Maintenant, la communication et la sensibilisation doivent s’élargir et se faire dans tous les lycées et établissements qui sont susceptibles d’accueillir des déficients visuels.
Et au niveau de la sensibilisation ?
Dans chaque région il y a des comités handisports qui interviennent dans des clubs, des écoles, des lycées. Avec une politique de sensibilisation, c’est vraiment comme ça que ça pourra fonctionner. Ça marche très bien avec d’autres handisports, aussi parce qu’il y a des figures qui se démarquent, en athlétisme on pense à Marie-Amélie Le Fur ou en natation à Théo Curin. Je pense que c’est ce qu’il manque au cécifoot, une icône à laquelle se rattacher.
Il y a donc un enjeu d’identification aussi pour le cécifoot ?
L’identification est clé. Après, il faut voir aussi s’il y a une volonté de la pratique. Est-ce qu’une jeune fille aujourd’hui a envie de faire du cécifoot plutôt que de l’athlétisme ou natation ? Il y a aujourd’hui des clubs d’athlétisme avec des sections handisport très fournies et structurés.
Y a-t-il une différence dans la pratique entre les catégories non voyantes et malvoyantes ?
En termes de communication, ce qui sera surtout médiatisé c’est l’Équipe de France [masculine] B1 non-voyante, parce qu’elle va aux Jeux Paralympiques. Les équipes B2/B3, donc malvoyants, doivent encore se développer davantage. La catégorie B1 est presque un sport à part entière là où, en B2/B3 on se rapproche plus du football avec des aménagements spécifiques. En malvoyant, là où je joue, la marge de manœuvre est pour l’instant très faible. La mise en lumière paralympique fait qu’il y a véritablement quelque chose à faire de plus en catégorie non-voyante.

Joueurs et joueuses de l’Entente UNADEV PACA – Endoumes. © Jessica Zizzo
Au-delà de cet enjeu de visibilité, il y a aussi un besoin de développement ?
La communication doit elle aussi se faire pour aller chercher des partenaires financiers parce que c’est une réalité. Il y a deux façons de monter une équipe : soit en faisant partie d’un club bien en place, comme la section cécifoot du Havre ou au sein de mon club de l’US Endoume. Soit en créant une association. Mais le nerf de la guerre, c’est à la fois d’aller chercher des joueurs et d’avoir des fonds. Une saison, où on se déplace dans toute la France sur 3 ou 4 phases, coûte environ 10.000€ à 12.000€.
Aujourd’hui quels sont les liens entre le handisport français et la Fédération Française de Football ?
Je sais qu’il y a eu des partenariats par le passé. Et aujourd’hui les arbitres sur les compétitions de cécifoot sont des arbitres FFF. Mais le cécifoot est géré par la fédération handisport et non la FFF, à l’inverse du tennis handisport qui est sous l’égide de la Fédération Française de Tennis par exemple. Du côté de la fédération handisport, aujourd’hui l’accent est mis en priorité sur les sports féminins paralympiques, avec l’optique aussi de Paris 2024. L’Équipe de France féminine de goalball, également pour déficients visuels, a une chance de se qualifier pour Paris 2024 donc on est à fond derrière elles.
En somme, tout reste à faire en France. Aussi bien en termes de moyens, d’infrastructures, de communications, il reste du chemin à parcourir pour une Équipe de France féminine de cécifoot, alors que se prépare pour novembre 2021 la toute première édition des Championnats du monde féminin, organisés par l’IBSA à Enugu au Nigeria.
Notons également pour finir qu’en cette période de confinement, les pratiques handisports restent possibles, sous réserve des autorisations nécessaires. Le handisport ne s’arrête donc pas avec le confinement !