
©FCGB -Q. SALINIER
De ses débuts en Normandie avec les garçons, à l’Équipe de France et à l’ambitieux projet bordelais, Ouleymata Sarr (24 ans) a vécu une ascension fulgurante. Malgré quelques contretemps, elle a su s’affirmer pour viser l’excellence. Ceux qui l’ont côtoyé de près racontent la jeune attaquante girondine.
Quand il s’agit de parler d’Ouleymata Sarr, Ulrich Ramé ne tarit pas d’éloges à l’égard de son attaquante : « Elle a un profil très complet. Son gabarit, sa vitesse, ses qualités de percussion, sa vista, sa polyvalence sont autant de caractéristiques que l’on recherchait dans le domaine offensif » introduit le patron de Bordeaux. Il faut dire que ses récentes performantes ont marqué les esprits, y compris ceux de Corinne Diacre. Près de deux ans après sa dernière apparition en Bleue, Ouleymata a pu revêtir sa tunique bleue lors du dernier Tournoi de France. Mais avant le retour de ce rêve bleu, le «TGV Sarr » a eu quelques arrêts en gare. Portrait.

Ouleymata Sarr pendant ses années à Evreux
À l’instar d’autres joueuses professionnelles, « Ouleye » fait ses premières gammes ballon au pied avec les garçons, à Evreux, en Normandie. Mais à 13 ans, elle est contrainte d’arrêter le football pour des problèmes de santé. Elle se trouve écartée du rectangle vert pendant près de deux ans. C’est une rencontre avec Mathieu Bodmer, footballeur professionnel, et président du club d’Evreux de 2009 à 2013 qui va tout changer.

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Un talent précoce repéré par le Paris Saint-Germain
Sûr des qualités de la native de Cambrai, le néo-président insiste pour qu’elle reprenne une licence de compétition, cette fois avec les filles. « Je l’avais vue jouer quelques fois dans des matchs de quartiers, elle faisait de belles choses avec le ballon. Technique, propre des deux pieds, agile et efficace devant le but. Quand j’ai pris le club je lui ai demandé de reprendre car c’était du gâchis qu’elle ne joue pas en club avec ses qualités » nous raconte le milieu de terrain passé par l’OL et le PSG. Son premier coach chez les féminines, Gilles Bienfait, confirme : « C’était une joueuse qui était déjà très très au-dessus du lot et qui pouvait faire la différence à tout moment » raconte-t-il. Ses performances convainquent les dirigeants de lui faire passer des essais au Paris Saint-Germain; qu’elle réussira brillamment. « Je n’avais jamais vu une joueuse aussi forte. Elle était grande, rapide, technique et assez puissante, ce qui à l’époque était rare. » se souvient Hawa Cissoko, sa coéquipière de l’époque, et désormais amie.
Au Paris Saint-Germain, Ouleymata Sarr débute avec les U19, mais sera rapidement convoquée avec le groupe de Farid Benstiti. À ce moment-là, déjà sélectionneur des U20, Gilles Eyquem la prend sous son aile pour la Coupe du monde au Canada. « Elle avait été la surprise du dernier moment, son profil très atypique m’avait plu. Elle allait très très vite et était capable d’aller vers le but » se remémore-t-il. Malgré quelques lacunes techniques, ses qualités et son potentiel étaient évidents « C’était plus dur avec le ballon, mais dès qu’il y avait de l’espace, et du jeu au dos de l’adversaire, elle excellait » poursuit-il. Sous la tunique parisienne, elle fait trembler les filets de la D1 à deux reprises pour ses deux premières apparitions. Et dès la saison suivante, elle inscrit six buts en huit matchs de championnat. A 20 ans, elle participe activement à l’épopée parisienne jusqu’en finale de la Ligue des Champions 2015.
Discrète et attentive dans les vestiaires, explosive sur la pelouse
« Elle était parfois trop altruiste et préférait faire la passe plutôt que de marquer. Ses statistiques n’étaient pas bonnes, mais ça ne voulait pas dire qu’elle était nulle, loin de là » – confie Hawa Sissoko.
Lille, un départ grande vitesse
Ambitieuse, Ouleye choisit de se relancer au LOSC. Dans le nord, elle vit une adaptation express, et ses débuts sont tonitruants avec notamment un triplé dès la première journée de championnat contre… Bordeaux. En septembre 2017, ses prouesses lui ouvrent pour la première fois les portes des Bleues à l’occasion du premier rassemblement de Corinne Diacre. Comme un symbole, elle y retrouve son ex-coéquipière au PSG, Hawa Sissoko. « On a fait notre première sélection en A, Ouleye avait joué contre le Chili, puis avait mis son premier but contre l’Espagne alors que je fêtais ma première sélection » se souvient-elle. Forte d’une saison pleine avec les Dogues (9 buts en 22 matchs), son rêve tricolore se concrétise avec dix apparitions en un an.
Mais des problèmes au genou et à la cheville vont venir ralentir sa progression. Absente plusieurs semaines fin 2018, Sarr vit une saison galère et ne peut éviter la descente lilloise en D2. Pire encore, la jeune attaquante ne fait pas partie des 23 joueuses retenues par Diacre pour disputer le Mondial en France. Pas le temps pour l’abattement. Quelques jours après l’annonce de la liste, Ouleye doit jouer une finale de Coupe de France contre Lyon. Buteuse, elle fait douter les Fenottes jusqu’au bout (ndlr: défaite 3-1 du LOSC). Les prémices de qualités mentales qui lui sont particulièrement reconnues.
Une nouvelle blessure à Bordeaux, avant un retour tout feu tout flamme
Ses exploits dans le nord ne laissent pas insensible Ulrich Ramé le patron des Girondines, qui la fait venir à l’été 2019, alors que la concurrence à son poste est très forte. « La concurrence la motive, c’est une des choses qu’elle a aimé dans ce projet » explique l’ancien portier Marine et Blanc. Pourtant, le début de saison ne lui laisse que peu d’occasions de se montrer et elle se blesse à nouveau à une cheville. Mais depuis janvier, l’attaquante de 24 ans a réalisé un retour tonitruant, avec notamment un triplé impressionnant en quarts de finale de Coupe de France contre Montpellier.

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« Je ne suis pas surpris de sa deuxième partie de saison, je la suis depuis trois ans. Il y a un aspect mental chez elle, qui est très fort. Elle a envie d’apprendre, elle est perfectionniste. Elle a été frustrée par sa blessure, mais c’est normal pour une sportive de haut niveau. Elle en ressort grandie ! » poursuit Ulrich Ramé. Son entraîneur à Evreux s’enchante de ses progrès : « je trouve que physiquement elle a franchi un gros palier. Techniquement, je la trouve de plus en plus performante, ça montre qu’elle travaille ! » déballe Gilles Bienfait. Mais Hawa Sissoko reste sur sa faim et en demande davantage à son amie, qu’elle sait capable de meilleurs résultats encore « Ouleye est trop forte sur le terrain, mais parfois elle m’énerve, on dirait qu’elle joue à 80% (rires) ! » À 24 ans, le TGV Sarr peut regarder au loin avec l’ambition d’accélérer encore.