©Manu Cahu
Après un an sans sélection en équipe de France, la jeune Emelyne Laurent vient de retrouver le maillot bleu. À seulement 22 ans, sur les trois dernières années, la joueuse au parcours atypique a connu trois prêts. Sous contrat à Lyon mais passée par Bordeaux et Guingamp, c’est maintenant à l’Atlético qu’elle renoue avec son jeu et montre l’étendue de son talent. Entretien.
« Quel effet cela vous a fait d’être de nouveau appelée en Bleue après plus d’un an ? Vous vous y attendiez ?
Forcément, j’avais envie d’être appelée en Bleue, mais par rapport à ma saison, ça a été une surprise. J’étais encore en adaptation à l’Atlético et je ne jouais pas encore comme je l’espérais. Donc je me suis dit “si elle m’appelle maintenant je serai contente”. En même temps, je me disais qu’elle allait sûrement choisir des joueuses qui sont en France et qui jouent beaucoup. Mais je suis très contente et très heureuse de retourner en équipe de France aujourd’hui.
Comment se passe ce stage, dans ce contexte de crise et de tensions? Comment vous vous sentez personnellement ?
Personnellement, je ne prends pas partie. Je viens parce que c’est un plaisir de servir le pays et d’être en équipe de France. Après, au niveau de l’ambiance, entre nous tout se passe bien et il n’y a pas de tensions particulières. Je sais que ça peut paraître étrange par rapport à ce qui se dit dans la presse mais ça se passe bien.
Quels sont vos objectifs personnels pour ce stage avec l’Équipe de France ?
Je suis arrivée avec l’idée de montrer que je peux marquer des buts. Donc mon objectif vraiment c’est d’être efficace et décisive. Ça passe par un but ou une passe décisive mais je veux montrer que je peux vraiment aider l’équipe. Si j’ai du temps de jeu, je veux apporter un plus sur le terrain.
Vous avez été mise sur le devant de la scène très tôt. Est-ce que vous avez eu trop de pression, trop jeune?
Non, vraiment, ça ne m’a pas mis de pression. Après, je pense que le fait que je n’ai pas été appelée très souvent en Bleue dépend aussi des choix de carrière. Si j’avais eu plus de stabilité, à l’heure actuelle je pense que j’aurais été plus souvent appelée et que je serais probablement une vraie joueuse de l’équipe de France. C’est vrai que ces dernières années n’ont pas été faciles. J’ai longtemps dû me réadapter dans différents clubs, ce qui n’est pas chose facile pour s’épanouir et pouvoir passer des paliers.
« Je vais vraiment vivre à fond ma carrière footballistique et faire les bons choix pour pouvoir continuer à évoluer et atteindre les objectifs que je me suis fixé personnellement »
L’an dernier vous étiez en prêt à Bordeaux. Vous avez eu peu de temps de jeu, que retenez-vous de cette expérience?
Elle m’a permis de me remettre en question, je ne vais pas vous mentir. J’ai compris qu’il faut que je passe à l’action. Ça m’a appris qu’il fallait arrêter de réfléchir et tout simplement agir et faire les choses. On ne peut rien prévoir, par contre on peut agir au jour le jour et ne pas réfléchir au lendemain. De toute façon les performances vont venir. Il faut savoir analyser et se donner au bon moment, avec la bonne énergie et la bonne intention. C’est ce que j’ai retenu de mon expérience à Bordeaux.
Donc vous parvenez malgré tout à retenir du positif ?
Totalement. À l’avenir je vais penser comme ça et vraiment vivre à fond ma carrière footballistique, pour pouvoir continuer à évoluer et atteindre les objectifs que je me suis fixé personnellement.
Vous avez choisi d’enchaîner directement sur un autre prêt, en Espagne. Pourquoi ce choix ?
La COVID a un peu changé mes plans. Au début, je devais vraiment rester à Bordeaux pour avoir encore un peu plus de jeu mais malheureusement ça n’a pas pu se faire. Mais j’étais quand même très intéressée par le projet de l’Atlético. Il faut dire qu’ils ont beaucoup insisté, parce qu’au début je n’étais pas du tout partante. Maintenant je suis très contente et épanouie là-bas : j’ai rencontré un club et des gens formidables. Je peux vraiment jouer mon football là- bas et c’est ce que j’aime.
Vous vous plaisez à Madrid ?
Oui, je m’y plais beaucoup. J’aime aussi la mentalité dans le sport, ils donnent un sens à leur football. Ce que je recherchais en partant là bas, c’est surtout relancer mes statistiques en marquant et en faisant des passes décisives. Ils avaient besoin d’une attaquante donc ça tombait bien. À l’Atlético, je me sens importante pour l’équipe.
Quelles sont les différences entre la France et l’Espagne, au niveau du jeu, de la façon d’aborder le football ?
Je ne sais pas si c’est par rapport à la langue, mais je trouve que la mentalité est un peu différente. C’est-à-dire que peu importe qui tu es, si tu mouilles ton maillot pour l’équipe, tu as ta place rapidement et tu peux avoir un grand rôle sans pour autant être un Lionel Messi ou un Cristiano Ronaldo.
« Avec Lyon je suis sous contrat et j’ai toujours été professionnelle. À un moment donné, j’ai eu des réunions avec eux et si je devais partir dans un autre club, je l’aurais déjà fait »
Dans votre carrière, il y a eu un troisième prêt, à Guingamp, avant le Mondial 2019. Vous avez un parcours original, surtout dans le foot féminin, où les prêts se font rares.
À Guingamp c’était particulier parce que je n’avais pas choisi de partir là-bas. Mais j’ai pu avoir du jeu là où je n’en avais plus à Lyon. J’ai pu trouver un second souffle. Et puis j’avais déjà fait de bonnes prestations en équipe de France U20 et j’ai continué en équipe B, donc l’entraîneure de Guingamp (Ndlr : Sarah M’Barek) est revenue me voir et elle était convaincue que j’allais pouvoir leur apporter quelque chose. C’était quand-même une belle expérience. Ça m’a vraiment permis de retrouver ce que j’avais perdu dans mon jeu.
Maintenant, vous n’avez pas envie de vous installer plus durablement dans le projet d’une équipe ?
J’ai forcément cet objectif. Après, avec Lyon je suis sous contrat et j’ai toujours été professionnelle. À un moment, j’ai eu des réunions avec eux et si je devais partir dans un autre club, je l’aurais déjà fait. J’ai toujours été fidèle, j’ai toujours essayé de donner le meilleur, même dans ces circonstances. Mais dans le futur, j’aimerais trouver de la stabilité et jouer dans un club sur le long terme.
Et le Mondial 2019 à domicile, quels souvenirs en gardez-vous?
C’était une expérience enrichissante mais aussi frustrante. Tout le monde s’intéressait vraiment à la compétition et c’est quelque chose que je ne connaissais pas. Avec tout ce monde qui nous suivait et cet engouement, l’objectif était vraiment d’évoluer et de performer tout en gardant à l’esprit qu’on était ensemble pour profiter. C’était aussi nécessaire de trouver des moments pour se détendre, pour pouvoir se recentrer chacune de notre côté. C’est la meilleure compétition ! C’est la Coupe du Monde et les émotions sont incroyables, le partage avec les gens autour de nous aussi… On a donné beaucoup mais malheureusement on aurait pu faire plus pour remporter la coupe. C’est pour ça que j’ai dit frustrant. En plus, de mon côté, ne pas jouer était vraiment difficile.
Que peut-on vous souhaiter pour la suite ?
Mes objectifs sur le long terme c’est d’exploser avec un club qui me fasse vraiment confiance, qui me permette d’évoluer, de progresser, de marquer, de performer et d’exister dans le top niveau. Et ce qu’on peut me souhaiter, c’est de trouver ce club. »