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« Allons enfants de la patrie » : zoom sur le football féminin militaire français

Par 14/07/2020 08:30 juillet 16th, 2020 No Comments
©photo : Mil’ Sport Mag
En 2016, peu avant le début de l’Euro masculin, une autre compétition internationale se déroulait sur le territoire français : la Coupe du monde militaire de football féminin. Remportée par l’équipe de France, cette compétition a quelque peu mis en lumière une sélection méconnue du grand public.

Si les jeux mondiaux militaires sont créés en 1995 (équivalent des jeux olympiques militaires regroupant des milliers d’athlètes), il faut attendre 2001 pour assister à la naissance d’un championnat du monde militaire spécifique au football féminin. Regroupant initialement 4 équipes, la compétition se transforme au gré des années en véritable coupe réunissant un nombre d’équipe de plus en plus important (ndlr : 8 en 2018). Le format est simple : deux groupes de quatre équipes dans lesquels les deux premiers se qualifient en demi-finale. 

Entre maillot et uniforme 

Ce n’est qu’au printemps 2004, au lendemain de la qualification de l’équipe de France A (EDF A) pour sa première Coupe du monde, que l’équipe de France militaire (EFM) voit le jour. La Marseillaise retentit donc pour la première fois dans la compétition en 2006. À l’époque Philippe Lemain (major), entraîneur de l’équipe masculine, prend en main son pendant féminin. Sa première mission : dénicher des talents en D1 et D2. 

Il existe toutefois deux prérequis : être militaire (d’active ou de réserve, dans les trois armées, directions et services ou la gendarmerie) et évoluer au minimum au niveau régional 1 (ex-DH). A l’issue de stages dispensés au cours de l’année et ponctués par des confrontations contre des équipes de D1/D2/R1, les joueuses retenues pour les matchs officiels signent un contrat de réserve avec le Ministère des Armées, lorsqu’elles n’en disposent pas déjà. Ainsi, des joueuses telles que Salma Amani, Pauline Peyraud-Magnin, Teninsoun Sissoko, Marina Makanza, ou encore la dernière recrue du Paris Saint-Germain Bénédicte Simon ont revêtu le maillot tricolore lors de compétitions militaires. 

« Elles s’imprégnaient de ce discours, et ça se ressentait sur le terrain. Elles étaient fières de porter les couleurs de la France, mais aussi les couleurs militaires »

Pour Elisabeth Loisel(1), ancienne sélectionneure de l‘EFM, il s’agit sans aucun doute d’un tremplin vers les sélections « classiques » : « On a beaucoup de jeunes et bonnes joueuses qui ne sont pas encore affirmées. On a besoin en France de toutes ces équipes (U20, U23, EDF B, universitaire, EFM) qui vont permettre à des joueuses de s’aguerrir, de jouer des matchs internationaux et de se bonifier ». 

Si les joueuses y trouvent un intérêt sportif, l’aspect militaire ne les laisse pas pour autant indifférentes. « Le discours est très prégnant. L’idée était aussi de permettre à ces joueuses, qui pour certaines avaient arrêté leurs études, d’assurer une reconversion sur des postes dans l’armée. Elles s’imprégnaient de ce discours, et ça se ressentait sur le terrain. Elles étaient fières de porter les couleurs de la France, mais aussi les couleurs militaires » ajoute celle qui fut la première femme sélectionneure de l’EDF A. 

2006-2016: Une décennie d’ascension 

Si les tricolores étaient habituées aux 2ème, 3ème et 4ème places, ce n’est qu’en 2016 qu’elles remporteront leur premier titre mondial. Emmenées par l’expérimentée Elisabeth Loisel, les Françaises se défont successivement des Pays-Bas, du Cameroun et du Canada pour accéder à la demi-finale contre la Corée du Sud. Au terme d’un match accroché, Pamela Babinga et ses coéquipières décrochent leur billet pour la demi-finale.

Devant 3 500 spectateurs, le 05 juin 2016, au Stade de la Rabine de Vannes elles soulèvent leur premier trophée mondial. « On s’était fixé comme objectif d’être championnes du monde. On a avancé tranquillement avec la force du groupe, la gestion des relations humaines, et l’aspect mental » souligne-t-elle. 

Si cette performance semble exceptionnelle, elle est le fruit d’un travail constant et de longue haleine. Entre 2004 et 2014, Philippe Lemain est à la tête de la formation. En une décennie, l’EFM a figuré à chaque fois (9) dans le quatuor de tête du mondial. La première Coupe du monde accueillie en France, en 2010 sur les terres normandes, s’est conclue par une 3ème place pour les Françaises. 

Quatre ans après, l’EFM, à qui le territoire national semble porter chance, est sacrée championne d’Europe en région lyonnaise. Un dernier fait d’arme pour le bâtisseur de cette équipe, cédant sa place à une figure bien connue dans le milieu du football féminin, Elisabeth Loisel donc. « C’était l’occasion pour moi de mettre œuvre toutes les compétences acquises lors de ma carrière d’entraineure » insiste cette dernière.

Après une courte période d’observation, elle construit progressivement son staff et impose son style. « J’ai beaucoup travaillé sur la performance mentale. J’ai mis en pratique tout cela pour faire que cette équipe soit à l’image de ce que je prônais et elle ne m’a pas du tout déçue » insiste celle qui décrochera quelques temps plus tard une médaille d’argent aux JMME de 2015 en Corée du Sud. Un travail méticuleux récompensé par une fin en apothéose avec ce titre hautement symbolique.

2016-2020 : Une sélection en reconstruction

Au départ d’Elisabeth Loisel, Cédric Voutier (membre du staff de l’EDF A pour les Jeux Olympiques de Rio) prend les rênes de l’EFM. Après leur performance de 2016, les Bleues portent sur leurs épaules un statut jusqu’alors inconnu : celui du favori. Mais au Texas, Etat hôte de l’événement, la sélection française a laissé sa couronne au Brésil et termine au pied du podium. (ndlr : Pour la première fois, la compétition devait théoriquement accueillir 10 équipes. Le Cameroun ayant déclaré forfait, seules 9 pays ont pris part au tournoi). 

En fin d’année 2019, les JMME auraient pu permettre aux Bleues de renouer avec la victoire. Mais dans un groupe relevé (Corée du Nord -vainqueur de l’édition- Brésil, Cameroun), une EFM remaniée perd ses trois rencontres et ne se qualifie pas pour la demi-finale. Une première dans son histoire aux JMME. « Pour l’avoir vécu, c’était compliqué d’avoir des joueuses à disposition pour les JMME parce que les compétitions de D1 et D2 étaient en cours et les clubs ne voulaient pas mettre leurs meilleures joueuses à disposition. Mais je peux comprendre les clubs » confesse Elisabeth Loisel. 

Une problématique pérenne qui laisse ouverte la question de l’intégration des compétitions militaires aux calendriers nationaux et internationaux. 

(1) Une convention permet à la sélection militaire de profiter des services d’un entraîneur détaché et rémunéré par la FFF.

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