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Femmes de pouvoir : le long chemin des dirigeantes dans le milieu du football

Par , 12/03/2023 10:09 No Comments
Pauline Gamerre est la plus jeune femme nommée à la tête d’un club de football professionnel – ©L’Est Républicain
S’imposer en tant que femme dirigeante dans un mouvement sportif largement masculin peut parfois s’avérer complexe. En France, le football, sport roi, est loin de faire exception. En 2020-2021, seuls 5,7% des présidents de club de football étaient des femmes. Des passionnées, qui rêvent d’ouvrir la voie à d’autres.

Une goutte d’eau dans l’océan

Le 11 novembre 2016 restera à jamais dans l’histoire du football tricolore. En ce jour d’automne, Nathalie Boy de La Tour, 48 ans, est nommée à la tête de l’une des plus grosses organisations du football français: la Ligue de Football professionnel. Si cet événement eut en son temps un retentissement de taille, ce dernier mettait en avant le faible nombre de femmes dirigeantes dans le football français. 

À cette date, rares étaient les femmes à s’asseoir à la table des grands du ballon rond. Six années plus tard, en 2022, seuls 18% des postes à responsabilité au sein des ligues de football étaient pourvus par des femmes. Au total, près de 33 500 femmes occupent un poste de direction dans le football, toutes structures confondues (ligues, clubs, associations, etc…). La proportion de ces femmes, en légère baisse depuis 2016, est  avant tout caractérisée par des parcours professionnels aussi atypiques que passionnants.

Tracer sa voie

Jean-Michel Aulas, Vincent Labrune, ou encore Nöel Le Graët, ont tous a peu de choses près suivi le même cursus honorum. Chef d’entreprise, actionnaire, propriétaire d’un club puis membre d’une instance, le parcours de nombreuses figures masculines du football français semble particulièrement homogène. Pour la gente féminine, le chemin vers les directions sportives s’avère bien moins rectiligne. Des parcours éclectiques où se marient passion et détermination. 

Mordue de football, mais surtout fraîchement diplômée de l’IEP d’Aix et de l’ESCP Europe, Pauline Gamerre a mis les pieds dans le mythique club du Red Star en 2009. Rapidement, la jeune directrice de communication prend du galon jusqu’à sa nomination au poste de Directrice Générale du club en 2011 : “J’ai grandi avec le club. Avec le temps, tu prends de plus en plus de responsabilités, les choses se dessinent assez naturellement. Il n’y a pas eu de rupture, c’était de mois en mois, d’années en années”, nous confie cette dernière. Une fois nommée à la tête du club de National, l’objectif était clair pour Pauline : retrouver la Ligue 2, une belle ambition que la jeune DG a rempli avec brio : “Il fallait restructurer le club pour le rendre le plus professionnel possible. Je devais trouver un équilibre entre : la professionnalisation et la conservation des racines du club.” En 2015, quatre ans après la prise de fonction de Pauline, le club francilien remporte le championnat de National 1 et retrouve la Ligue 2 après seize années d’absence. Une saison historique. 

Pour Maryse Fréchou et Carine Pétriat, respectivement présidente et secrétaire  générale de l’association du Pau FC, le chemin fut bien différent. Si ces dernières ne gèrent pas l’équipe professionnelle, elles occupent toutefois depuis cinq années, une place importante dans la structure paloise. Alors que les professionnels sont gérés par la SASP (Société Anonyme Sportive Professionnelle) du club, ces deux mamans s’occupent quant-à elles de l’association qui encadre les catégories U6 à séniors. “Nous sommes mamans de joueuses et joueurs et rapidement, nous nous sommes d’abord investies en tant que bénévoles pour l’Association du Pau FC puis nous avons intégré le Conseil d’Administration”, relate Carine Pétriat. Mères et dirigeantes passionnées, Maryse et Carine doivent jongler entre ces rôles et leur activité professionnelle : “Je suis toute la journée à mon travail et les soirs et week-ends au Pau FC (…) Il faut se rendre compte du travail que cela représente, il y a quand même 500 licencié.es au club, nous avons des équipes dans chaque tranche d’âge avec pour chacune, un pôle masculin et féminin”, détaille la Présidente de l’association. 

Imposer son style

Les statistiques sont sans équivoque : le ballon rond reste un milieu très majoritairement masuculin (licenciés, dirigeants, arbitres…). Dans un tel contexte, ces passionnées doivent savoir faire preuve de caractère pour exister au-delà de leur titre. “Il ne faut pas se laisser faire. Quand on est autour d’une table, lors des réunions, il faut qu’on s’impose !” réagissent Carine et Maryse. 

Dans le club audonien, Pauline Gamerre a elle aussi dû asseoir sa légitimité. Nommée à DG à seulement 26 ans, elle devient en 2011 la première femme à accéder à un tel poste : On parle souvent du fait d’être une femme dans un milieu d’hommes mais la question de la légitimité s’est surtout posée par rapport à mon jeune âge à ce moment. J’ai été la plus jeune femme DG d’un club, à 26/27 ans.”

À Pau comme à Saint-Ouen, s’il leur a fallu s’imposer avec hargne, aucune d’entre elles n’a ressenti de profonde réticence ou d’exclusion après leur nomination. “Nous n’avons pas eu de souci d’intégration dans les commissions ni dans les instances. Notre statut a toujours été respecté même vis-à-vis des autres clubs”, précisent Maryse et Carine. 

Féminisation des instances et quotas imposés, la bonne solution ? 

Aujourd’hui, à l’échelle nationale, seuls 38% des postes au sein des instances fédérales, tous sports olympiques confondus, sont occupés par des femmes selon l’étude réalisée par le CNOSF. Au sein de la FFF, seules 18% de femmes occupent un poste au sein des comités directeurs de Ligues. Une proportion pourtant deux fois supérieure à celle du mandat 2012-2016 (9%). 

Mais si la parité est encore loin d’être atteinte, de nombreux programmes et initiatives visant à la féminisation ont eu le mérite de voir le jour. Le “Club des 100 femmes dirigeantes” de la FFF, créé lors de la saison 2017-2018, vise à accompagner et former les femmes dirigeantes dans leurs fonctions. Par ailleurs, un minimum de trois femmes est imposé parmi les douze membres du Comité Exécutif de la FFF. Pour Pauline Gamerre, les choses sont claires : “Si on n’impose pas un certain nombre de quotas, on n’arrivera pas à forcer le verrou et pousser la porte. Pour faire avancer les choses, on est au départ obligé d’imposer un certain nombre de quotas.”

Dans cette optique, une loi promulguée le 2 mars 2022 impose la parité au sein des instances dirigeantes des fédérations sportives à l’échelle nationale d’ici 2024 et à l’échelle régionale d’ici 2028. Une manière d’inscrire le sport au cœur des enjeux sociétaux actuels. “Il faut comprendre ce que sera le monde de demain pour savoir sur quoi on vous attend. Aujourd’hui, le bon manager est celui qui arrive à se projeter dans le monde de demain”, justifie l’ancienne DG du Red Star. “C’est une éternelle remise en question, il faut s’adapter à mesure que la société évolue”, conclut Maryse Fréchou. 

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