
Quentin Berger, entraîneur de la réserve de Fleury, livre un ouvrage entre sciences et football – ©FCF91
Technique, adresse, instinct et si tout était dans la tête ? Longtemps observées de manière anecdotique, les sciences cognitives font pourtant partie intégrante du développement d’une joueuse ou d’un joueur. Quentin Berger, entraîneur de l’équipe réserve du FC Fleury 91, l’explique dans son ouvrage où football et sciences s’entremêlent.
Le pont entre deux mondes
La vista, le sens du jeu, la vision, autant de qualités louées chez les footballeurs et footballeuses les plus adroits. Mais pour se développer, ses qualités reposent sur un travail de fond, opéré dès leurs premiers pas sur les terrains.
Souvent travaillées sans être totalement compris ou encore moins expliqués, les sciences cognitives ont une place primordiale dans l’apprentissage de la prise d’information, si caractéristique au football. « L’importance de la prise d’information est connue, mais est-ce qu’elle est bien travaillée ? Je n’en suis pas sûr », s’interroge Quentin Berger, entraîneur et formateur au FC Fleury 91.
Diplômé en sciences du sport et en optimisation de la performance, le jeune homme de 28 ans s’est penché plus attentivement sur ce sujet. « Au début, je devais réaliser une synthèse sur un sujet dans le cadre de mon master en STAPS. Je voulais créer un document de club pour les éducateurs sur la prise d’information, qui faisait ce lien entre les sciences et la pratique. Aujourd’hui, il y a peu de ponts entre les deux », explique-t-il.
Etape par étape
Ce qui devait initialement être un projet de fin d’étude, s’est finalement transformé en un ouvrage : « Le jeu dans les yeux ». Dans son livre, cet entraîneur, jeune mais déjà riche d’une dizaine d’années d’expérience en tant qu’entraîneur, dont sept chez les jeunes filles du FC Fleury, décrypte les phases d’apprentissage.
« Avant 10 ans, il va falloir faire du foot, mais aussi d’autres activités. En U6-U7, on ne va pas directement parler de prise d’information. On va entraîner le cerveau avec des couleurs et des jeux ludiques pour complexifier l’environnement sans ballon. Au fur et à mesure, quand la joueuse aura plus de facilités, on pourra intégrer des aspects techniques. Plus tard, sur les phases 2 et 3, lorsque la joueuse aura automatisé le jeu avec le ballon, le but sera de donner du sens au travail, expliquer l’intérêt des exercices travaillés aux entraînements dans le contexte d’un match », détaille-t-il avec précision.
Des prérequis, qui vont permettre à la footballeuse en herbe de se préparer à la phase cruciale, l’adolescence. « Chez les filles, l’âge d’or de l’apprentissage se situe entre 10 et 14 ans, en phase 3-4. C’est dans cette phase là qu’on va acquérir plus d’acuité spécifique au football. C’est là que le cerveau va assimiler tous les comportements. Après cette phase-là, on va avoir du mal à défaire certaines habitudes parce qu’elles seront déjà ancrées », prévient Quentin Berger.
Et dans cette période importante, le travail va prendre un axe bien particulier, qui se rapproche de plus en plus des attendus du niveau senior: « On va essayer de travailler l’intention et la posture. On ne va pas encore se focaliser sur quelle information et quelle décision prendre, mais sur comment prendre les informations dans le jeu. On va parler de l’orientation des épaules par exemple, d’attitude sur le terrain. On va vraiment être sur de la répétition, des exercices.»
Un jeu collectif
Dans cette équation, tous les facteurs ne sont pas identiques. Si le travail de base reste le même, au fil des années, les exigences vont se spécifier, en fonction du poste occupé. « Chaque poste a ses spécificités. Le travail cognitif est important sur tous les postes mais plus particulièrement au milieu de terrain parce que l’information vient de tous les côtés : devant, derrière, à droite, à gauche. C’est un milieu changeant, complexe. Là où un latéral est souvent face au jeu et les configurations de jeu sont plus répétitives. Le poste de milieu est complexe cognitivement donc il pourra plus facilement s’adapter à d’autres postes. »
Outre les facilités individuelles et les spécificités liées au poste occupé, la fluidité du jeu dépend éminemment du lien collectif. Un idéal qui ne peut être atteint sans plusieurs facteurs qui, là aussi, requièrent un travail continu. « Chaque action bien menée part d’une prise d’initiative, qu’il n’y aura pas sans confiance. Il faut aussi une base commune dans l’animation, des circuits de passe travaillés à l’entraînement. On va instaurer des indices visuels dans l’environnement, à partir d’un déplacement, d’un espace qui est créé, qui aura la même signification pour toutes les joueuses. Le troisième facteur est la pédagogie à l’entraînement. On utilisera plus tôt la pédagogie active où la joueuse et le collectif vont devoir trouver des solutions par elles-mêmes. A partir de là, on crée une osmose collective », énumère celui qui a pris les rênes de l’équipe réserve de Fleury cette saison.
Un travail qui s’ajoute aux fondamentaux individuels, et qui est challengé à chaque changement d’équipe. « La prise d’information est spécifique à chaque sport. Les joueurs vont enregistrer dans leur mémoire des configurations de jeu. C’est un peu la même chose lorsque l’on change de club. Lorsque l’on change d’équipe, il y aura des variations dans le projet de jeu. Il va falloir réapprendre le projet et les déplacements des autres joueuses, mais moindre, car cela reste du football », conclut-il.
Une savante recette, qui nécessite d’y consacrer du temps, mais qui libère toute la magie du football.