
Sana Daoudi contre Reims – ©SDR
Le mois de Ramadan s’est achevé hier par la célébration de l’Aïd el-Fitr pour la communauté musulmane. Chaque année, de nombreuses footballeuses de l’élite prennent part au jeûne. Comment continuer à performer tout en s’abstenant de boire et manger ? Pour l’Equipière, joueuses et préparateurs de l’EA Guingamp ont accepté de nous livrer les ingrédients de cette recette.
« Bien s’hydrater, s’alimenter, bien dormir », ces mots, les footballeuses de haut niveau les entendent tous les jours. Pourtant, le temps du mois de Ramadan, certaines parviennent à déroger à cette règle. Trente jours durant lesquelles ces joueuses de confession musulmane, épaulées par leur club, vont continuer à exercer leur métier de sportive de haut niveau, moyennant quelques aménagements.
Une histoire d’habitude
À Guingamp, plusieurs joueuses de l’effectif sont dans ce cas. Pour Sana Daoudi, le jeûne, s’il est évidemment une question de foi, est également une question d’habitude. « Ce n’était pas envisageable de ne pas jeûner, le football n’est pas une excuse. J’ai l’habitude, je le fais depuis que je suis petite.» Dans son club, elle n’est pas la seule à jeûner.
Aïssata Traoré, qui a auparavant évolué au Mali et en Turquie, a fait le même choix : jeûner coûte que coûte. Un point commun qui les unit au-delà des terrains : « On est un groupe de trois à le faire, on le vit ensemble, on coupe (le jeûne) ensemble », précise Sana Daoudi.
Si les restrictions alimentaires sont évidemment un élément central du mois de Ramadan, les joueuses jeûnent également à d’autres occasions de l’année, ce qui leur permet de s’habituer aux privations.
À lire aussi : D1 Arkema: Guingamp domine Saint-Etienne
Communiquer, le maître mot
Durant ce mois, pas question d’arrêter le football pour autant. Pour se maintenir dans une condition physique optimale, le club est à leur écoute. Éric Nicolas, préparateur physique des Guingampaises, veille tout particulièrement sur elles en cette période.
« Pour tout ce qui est ballon, on n’adapte pas forcément. C’est plus sur le travail athlétique que j’adapte les séances. Sur des périodes de jeûne, où elles s’hydratent moins, dès que les muscles sont très sollicités, on s’expose à des risques de blessure ou une fatigue plus importante », explique l’ancien préparateur de Montpellier.
Pour autant, le travail physique n’est pas négligé, au risque de favoriser les blessures également . « Une fois dans la semaine, on double les séances avec de la musculation l’après-midi. On a décidé d’étaler cette séance sur plusieurs jours, avant la séance du matin pour qu’elles puissent encaisser plus facilement. Ça vient en plus du travail de prévention qu’elles font habituellement durant leur pré-échauffement. On évite de trop les charger l’après-midi », poursuit-il.
Lors des séances matinales, le staff laisse le choix à ses joueuses d’effectuer ou non les exercices athlétiques, selon leurs capacités du moment. Mais les joueuses tiennent bien souvent à y participer. « Le mercredi on fait généralement du travail athlétique. Le préparateur a voulu nous l’enlever, mais on a insisté pour le faire parce qu’on est une équipe et qu’il ne faut pas qu’on se ménage. En match, il faut qu’on soit à 100% donc il faut se mettre dedans, se mettre en condition », justifie Sana Daoudi. « Pour moi, ce n’est pas une excuse pour ne pas faire d’efforts. Tu vois en fonction de tes capacités. Si on le sent, on le fait », complète sa coéquipière.
Adapter sa routine
Dans une journée, les jeûneuses peuvent se nourrir et s’hydrater entre 21h et 5h00 du matin environ, soit un créneau de huit heures pour faire le plein d’énergie. Une particularité qui implique d’adapter son alimentation.
Là encore, le club reste en appui de ses joueuses. « Le docteur nous aide beaucoup. Il nous conseille de bien nous hydrater, de manger beaucoup de fruits, de légumes, de pâtes, etc. On perd beaucoup d’eau donc c’est très important. Au moment de la rupture, on est très vite rassasiées mais on se force à manger parce que c’est important. C’est un rythme à prendre », détaille la joueuse formée au PSG, qui s’est également attachée les services d’un nutritionniste. « Je suis un programme qui […] a des exemples de repas, des conseils types : ne pas manger trop de sucre d’un coup, manger lentement, quoi manger le matin pour être bien lors de la séance. C’est plein de petits paramètres. »
En plus de l’alimentation, le cycle de sommeil est lui aussi modifié. « Pendant le Ramadan, j’ai le sommeil un peu perturbé par rapport aux heures de prière. Je dors peu. Hors Ramadan, j’ai besoin de 8h de sommeil pour être bien, maintenant je suis à 4h environ. Mais je rattrape tout l’après-midi après la séance », explique Aïssata Traoré.
Sa camarade adopte une autre méthode : « On se couche vers 22h pour se lever à 4h et manger. La difficulté c’est de se rendormir après parce que dès que l’on se rendort, on se réveille fatiguées. On compense avec des siestes l’après-midi, personnellement pas trop longues parce que sinon ce n’est pas du sommeil récupérateur. »
À lire aussi : D1 Arkema (J19) – Le débrief de la rédac’
En ordre de match
Bien souvent titulaires avec le club breton, les deux joueuses font abstraction de leur jeûne dès qu’elles entrent sur le rectangle vert. « Je ne me prends pas la tête du tout. Je suis sur le terrain et j’essaye de donner mon maximum, je ne m’économise pas. Si je commence à psychoter, ce n’est pas bon. Ça sort complètement de ma tête. On peut avoir des coups de moins bien, même lorsque l’on ne jeûne pas », analyse la milieu de terrain.
Autrement plus sollicitées lors des matchs, elles bénéficient toutefois d’un avantage sur leurs homologues masculins. « On insiste sur le repas de la veille et du matin. On a la chance de jouer à 14h30, ce qui n’est pas trop tard contrairement aux garçons qui jouent à 20-21h, ce qui est plus embêtant », relate Éric Nicolas.
Une savante recette de communication et de professionnalisme, qui établit un trait d’union entre ces deux parties de leurs vies : la passion et la foi.