Kheira Hamraoui avec le FC Barcelone contre le Bayern Munich en avril 2019 – © EL Loko Foto
Kheira Hamraoui et ses coéquipières du Barça s’apprêtent à retrouver l’Atlético Madrid en quarts de finale de Ligue des Champions. Les coachs qui l’ont côtoyée dépeignent cette joueuse atypique, douée techniquement et au caractère bien trempé.
Après sa formation au CNFE de Clairefontaine, Kheira Hamraoui a poursuivi sa formation dans sa région natale à Hénin-Beaumont avant d’exploser à Saint-Etienne, où elle a gagné son premier trophée (ndlr : Le challenge de France 2011). Repérée par le PSG à l’arrivée des Qataris et de Farid Benstiti, Hamraoui et son mètre soixante dix-huit ont passé quatre ans dans la capitale. Comme de nombreuses grandes joueuses, elle a eu le droit à son passage à Lyon, et aux nombreux titres qui vont avec. Elle fait aujourd’hui le bonheur du champion d’Espagne, le FC Barcelone.
Les anciens entraîneurs de l’OL Gérard Prêcheur et Reynald Pedros, son coach à Saint-Etienne Hervé Didier, l’ancien joueur de Ligue 1 et entraîneur de Hénin-Beaumont Philippe Piette, racontent une joueuse à part.
Ses qualités : une joueuse « très à l’aise avec le ballon » , « capable de jouer long »
Reynald Pedros (entraîneur de l’OL entre 2017 et 2019) : « C’est une joueuse assez atypique. Un grand gabarit très technique qui est à l’aise des deux pieds. Techniquement, elle est au-dessus, elle a beaucoup de qualités footballistiques naturelles. »
Gérard Prêcheur (entraîneur de l’OL entre 2014 et 2017) : « Ce que je trouvais vraiment bien chez elle, c’est qu’on dit souvent que les joueuses techniques sont petites. Pour une grande joueuse, elle était très à l’aise avec le ballon, dans la conduite, dans le dribble. Elle a aussi une bonne qualité de frappe. Elle a un bon profil athlétique et technique, elle associe bien les deux. »
Philippe Piette (entraîneur de Hénin-Beaumont entre 2007 et 2013) : « Je ne l’avais que pour les matchs, elle était à Clairefontaine la semaine. Kheira était une joueuse très talentueuse, très bonne techniquement avec une bonne frappe de balle. Elle ne faisait pas toujours les efforts qu’il fallait mais ça suffisait pour jouer à Hénin. Je lui disais qu’il fallait qu’elle en fasse un peu plus, qu’elle apprenne à répéter les efforts, mais je n’avais pas de doutes sur le reste. »
Hervé Didier (entraîneur de l’AS Saint-Étienne entre 2008 et 2017) : « C’était une joueuse qui était différente morphologiquement des autres, elle était plus grande, plus puissante. C’est vrai que dans le jeu féminin, d’avoir une joueuse capable de jouer long, d’avoir une puissance physique plus importante, c’était rare. C’était une titulaire, l’une de nos meilleures joueuses. Elle était importante pour le groupe. »
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Sa polyvalence : milieu relayeuse ou soutien aux attaquantes
Reynald Pedros : « C’est une joueuse qui peut jouer près des attaquantes, mais je pense qu’elle est plus l’aise un peu plus bas. Il faut qu’elle ait un minimum d’espace parce que c’est un grand gabarit. Elle a cette qualité technique pour pouvoir faire des passes courtes, des passes longues et quand on est un peu plus bas, on a plus de possibilités dans ce sens-là. C’est une joueuse qui ne va pas très vite. Si elle a un peu d’espace, c’est toujours mieux. »
Kheira Hamraoui a joué sous le maillot de l’OL (2016-2018) – ©Ryszard Dreger
Philippe Piette : « Elle jouait numéro 10 avec moi, pour sa qualité de passe et sa qualité de frappe. J’ai essayé de la faire jouer là où elle pouvait se développer le mieux. Elle était déjà très grande. Elle n’était pas encore capable de faire des répétitions d’efforts. Aujourd’hui, elle joue plus à un poste de milieu relayeuse où il faut beaucoup cavaler. Elle s’en sort très bien parce qu’elle a développé un bagage physique.»
Hervé Didier : « Elle était plutôt numéro 10 avec moi, elle aimait avoir le ballon et n’aimait pas trop défendre. Elle a été obligée de progresser à ce niveau-là, sinon elle n’aurait pas fait la carrière qu’elle peut faire maintenant. »
Sa personnalité : « si elle n’était pas contente, elle le disait »
Reynald Pedros : « Kheira est une joueuse agréable et facile à vivre. À Lyon, elle a toujours eu plaisir à retrouver ses copines. Elle avait un petit noyau dur avec Amel Majri, Delphine Cascarino, Griedge M’Bock. Elles appelaient ça “le crew” (ndlr :l’équipe ou l’équipage). »
Hervé Didier : « Elle avait envie de vivre du football et pourtant en 2009 à part l’OL, et le PSG qui commençait à montrer le bout de son nez, ce n’était pas gagné que le football féminin arrive là où il en est aujourd’hui. Quand elle avait décidé, elle était capable de renverser des montagnes, de faire les efforts. »
Gérard Prêcheur : « La difficulté que j’ai rencontrée avec Kheira, c’est qu’à ce poste-là, j’avais déjà des joueuses comme Saki Kumagai. Par rapport à mes orientations de jeu, c’était le profil parfait de la numéro six. Et plus haut, j’avais Camille Abily ou Dzsenifer Marozsan, les meilleures au monde. J’étais joueur aussi, quand je me défonçais à l’entraînement et que l’entraîneur ne me faisait pas jouer, j’avais la haine. Je comprends que des joueuses soient déçues ou fâchées contre moi. Je lui ai donné le maximum de temps que j’ai pu lui donner par rapport à son profil, sa carrière. Ce n’était pas suffisant par rapport à ce qu’elle attendait de l’OL. »
Philippe Piette : « Elle a toujours eu ce tempérament de ne pas se laisser faire. Si elle n’était pas contente, elle le disait »
— Kheira Hamraoui (@kheirahamraoui) July 14, 2020
Kheira Haramoui a récemment prolongé son contrat d’une saison avec le FC Barcelone
Son comportement sur le terrain : « il vaut mieux avoir une joueuse qui a du caractère et qu’il faut canaliser un peu, qu’une joueuse sans caractère »
Reynald Pedros : « Elle prend souvent des cartons idiots, mais ce n’est pas une joueuse méchante. À Lyon, avec moi, elle a souvent pris des cartons pour défendre ses coéquipières. Il faut qu’elle se canalise là-dessus mais ça fait partie du jeu. »
Hervé Didier : « Elle a eu quelques accrochages pendant les matchs, chez les filles on ne voyait pas souvent ça. Elle a pris des jaunes, des rouges parce qu’elle était trop impulsive. Ce n’était pas à tous les matchs, mais c’était quelqu’un qui avait un caractère et qu’il fallait calmer. Une fois, elle s’était limite battue. Elle était très jeune, c’était il y a 10 ans. »
Philippe Piette : « Elle a toujours râlé, c’est dans son comportement. Prendre des cartons parce qu’on se chamaille avec les joueuses adverses ou avec l’arbitre, ça peut être pénalisant au haut niveau. »
Son évolution : « elle fait partie d’un grand club européen »
Reynald Pedros : « C’est une joueuse qui a fait partie de l’effectif pléthorique à Lyon. Elle est partie à Barcelone et elle est titulaire indiscutable d’une équipe finaliste de Ligue des Champions. Je pense que ça lui a fait du bien de partir à l’étranger et de connaître autre chose. Elle fait partie d’un grand club européen, elle a resigné un an. Elle fait partie des meilleures joueuses européennes à son poste. »
Gérard Prêcheur : « Aujourd’hui, peut-être qu’elle jouerait à l’OL. Elle a fait un bon choix, elle vite des expériences enrichissantes et elle acquiert de l’expérience, dans un club prestigieux. Je suis très content pour elle qu’elle ait pu s’imposer à ce niveau. »
Philippe Piette : « Elle a bien évolué, elle fait une superbe carrière. Elle est capable de faire des passes longues et précises. Elle est dans un club où tout se fait par la passe au Barça. Elle est dans son élément. »
Hervé Didier : « En 2011, on avait gagné le Challenge de France, c’était un exploit. Kheira était au bout de ce qu’elle pouvait faire à Saint-Etienne. Il lui fallait un cadre, des entraînements plus réguliers. Avec moi, je pense qu’elle vivait un peu sur ses acquis. Je pense qu’être dans des clubs plus professionnels, ça a dû l’aider à bosser davantage. Ce qui lui manque encore, c’est peut-être de faire encore plus d’efforts défensifs, même si j’ai eu du mal à suivre ses matchs récemment. »
Son absence en Équipe de France : « une anomalie »
Reynald Pedros : « Pour moi, c’est une anomalie que cette joueuse n’ait pas fait la Coupe du Monde. Quand tu es titulaire à Barcelone, que tu joues tous les matchs et que tu es prise une seule fois en Équipe de France sur la fin de la campagne… Je pense que par rapport à la qualité du milieu de terrain de l’Équipe de France et à certaines joueuses qu’il y avait, elle avait largement sa place dans l’effectif. Quand on est joueur de foot et qu’on sent une injustice, on a besoin d’une explication. C’est le graal d’aller en équipe nationale, de faire une Coupe du Monde, un Euro, des JO. »
Philippe Piette : « C’est le choix de la sélectionneuse mais c’est vrai que de se passer d’une joueuse confirmée, qui joue dans l’un des meilleurs clubs et qui fait les gros matchs, ça peut paraître bizarre. La sélectionneuse doit avoir ses raisons. »
Hervé Didier : « J’essaie d’avoir ce recul. On ne sait pas ce qu’il se passe au sein des groupes. Si on parle football intrinsèquement, oui elle mériterait d’être en Équipe de France. Il y a aussi le feeling de l’entraîneur qui fait la différence. »