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La formation des Titis du Paris Saint-Germain, entretien avec Pierre-Yves Bodineau (½)

Par 07/09/2021 11:05 No Comments
Pierre-Yves Bodineau – ©PSG
Grace Geyoro, Perle Morroni ou Sandy Baltimore encore Marie-Antoinette Katoto, toutes ont été formées par un certain Pierre-Yves Bodineau. Dans un long entretien, leur ancien entraîneur se confie à L’Equipière sur la genèse du projet de la formation parisienne, et sur l’évolution des Titis qu’il a entraînées.

Ancien joueur formé au Paris Saint-Germain, Pierre-Yves Bodineau interrompt sa carrière après un accident de la route. Après des études de droit, il devient entraîneur à 22 ans. Son parcours chez les garçons, le ramènera un jour vers le club qu’il a toujours aimé.

« Je me suis toujours dit qu’en fait, il y avait autant de talent en région parisienne chez les filles que chez les garçons »

Pierre-Yves, on vous connaît surtout pour votre poste d’entraîneur au Paris Saint-Germain. Comment en êtes-vous arrivé là ?

En 2010, s’est présentée l’opportunité de revenir au PSG via la section féminine. C’était un public que j’avais déjà côtoyé, mais je ne m’étais jamais vraiment occupé d’une équipe en tant que tel.

Moi qui ai toujours essayé de construire, de bâtir, c’était quelque chose qui me tenait à cœur de mettre en valeur les petites sœurs des joueurs du PSG et je me suis toujours dit qu’en fait, il y avait autant de talent en région parisienne chez les filles que chez les garçons. Dans un premier temps j’ai eu l’opportunité de m’occuper de l’équipe réserve et ça s’est bien passé au niveau des résultats, mais je me suis rapidement dit que ce n’était pas l’équipe du futur dont je m’occupais. Par contre, il y avait des jeunes qui commençaient à être intéressantes et moi je me rendais compte du contexte, et je me disais que les plus jeunes avaient la capacité de venir bousculer les plus anciennes et les pros et que si on s’en occupait bien, qu’on mettait les même moyens que chez les jeunes chez les garçons, on pourrait avoir des résultats très rapidement.

Comment le projet est-il monté en puissance, jusqu’à fournir aujourd’hui de nombreuses internationales à l’équipe de France ?

Quand Farid Benstiti est arrivé en 2012/2013, pour professionnaliser la section, j’avais déjà mis en place une section sportive avec les plus jeunes qui étaient sur Paris et lui, à force de rencontres et de palabres, il m’a chargé de mettre en place un centre de formation. Bien sûr avec très peu de moyens parce qu’à l’époque, le football féminin était encore un pari. Le PSG n’était vraiment pas connu pour ses filles, donc j’ai dealé avec Farid Benstiti pour se donner à fond sur les jeunes joueuses, supprimer cette équipe réserve dont je m’occupais et se concentrer sur cette équipe U19.

En 2012/2013, j’ai beaucoup travaillé en parallèle en occupant différents rôles, parce que j’étais responsable de la section sportive, j’étais coach principal de l’équipe réserve, et en même temps chargé du recrutement des jeunes. Mon idée était de s’installer à Paris, pour des raisons économiques évidentes de recrutement, parce que le problème pour les joueurs et joueuses du PSG, c’est de se rendre au Camp des Loges. D’autre part, j’ai constaté que chez les jeunes garçons, on avait déjà de meilleures conditions que les filles vingt ans auparavant. Il fallait vraiment donner un nouvel élan. Donc mon objectif était que, pour 2013/2014, il fallait que tout soit prêt pour qu’on puisse accueillir à Paris, les meilleures joueuses du club entre 15 et 18 ans.

En se mettant à Paris, j’ai réussi à capter beaucoup plus de filles, celle du 93 ou du 94. Celles qui ne pouvaient malheureusement se rendre quatre ou cinq fois par semaine jusqu’à Saint-Germain sont venues de plus en plus naturellement les années suivantes. Ainsi, j’ai pu construire une équipe U19 performante au fil du temps et former des joueuses qui n’étaient plus là seulement pour essayer d’intégrer un groupe professionnel comme au départ, mais plutôt pour se préparer à gagner la Ligue des Champions.

J’ai réussi à convaincre les joueuses de ne plus entrer dans les Pôles et de nous faire confiance. Forcément, il a fallu qu’on soit de plus en plus performant.  J’ai réussi à avoir quasiment tout mon groupe à disposition la semaine alors qu’auparavant ce n’était pas le cas. Il y avait dix joueuses qui étaient en Pôle en 2013. Si on continuait dans ce schéma, on pouvait en avoir treize ou quatorze la saison suivante. Finalement,  je serais devenu plus un sélectionneur qu’un entraîneur. Et il fallait préserver notre image, notre structure ne pouvait pas être considérée comme un club d’accueil.

« On avait pris bcp d’avance, mais aujourd’hui les autres clubs, les autres structures s’organisent pour venir nous concurrencer. »

Vous avez entraîné plusieurs joueuses qui sont actuellement dans l’équipe pro du PSG, dont vous avez pu suivre l’évolution. Quel est votre ressenti sur ces joueuses-là ?

On s’est vite rendu compte, avec Farid Benstiti, qu’on était des témoins privilégiés. Puisque moi, je lui disais qu’on avait des supers joueuses et sûrement des meilleures joueuses que lui pouvait avoir eu plus précocement à Lyon. Ce qu’il ne croyait pas forcément au départ, parce qu’il était lyonnais et qu’il avait tout construit à Lyon. Il a été obligé de constater que mes prédictions étaient bonnes, qu’il y avait aussi d’autres talents certainement sur la région et que si on s’améliorait dans le recrutement, on pouvait arriver à former de nombreuses joueuses de haut niveau.

J’avais la chance d’être connecté avec tout un réseau d’éducateurs chez les garçons, qui me signalait les meilleures filles et c’était presque facile de récupérer des informations ou directement des joueuses. Et comme on a réussi à convaincre les dirigeants qu’il fallait prendre en charge notre formation et former nous-mêmes les futurs talents, on s’est dit qu’il était possible qu’on s’appuie plus rapidement que prévu sur les jeunes joueuses. On a tout de suite distingué Katoto, Geyoro, Lahmari, Couturier et Morroni. Perle, c’est la première qui a joué avec lui d’ailleurs. Anissa Lahmari, fut la deuxième; avec Cathy Couturier, elles jouent aujourd’hui à Soyaux. Voilà, ce sont des joueuses qui de suite, étaient déjà identifiées puisqu’elles étaient à l’INF Clairefontaine.

On a réussi à en convaincre trois de sortir de Clairefontaine pour pouvoir les faire passer pro plus vite. Perle et Cathy aussi étaient convaincues, mais comme on ne proposait pas la possibilité d’intégrer la filière S à l’époque, on a été obligé de les laisser à Clairefontaine. Mais finalement, toutes celles qui sont sorties des pôles, ont pu signer pro beaucoup plus vite et rapidement se faire un nom. Il y avait aussi d’autres joueuses qui étaient en devenir comme Lina Boussaha, comme Sandy Baltimore, puis d’autres joueuses de club qui n’étaient pas repérées par l’INF, mais qu’on a pu développer comme Sana Daoudi ou Hawa Cissoko. On avait une structure qui fonctionnait bien, donc forcément les talents attirent les talents et aujourd’hui, il y a plus d’une vingtaine de filles de cette époque qui sont aujourd’hui concernées par la D1. Plus d’une quinzaine ont signé pro au PSG. C’est une véritable prouesse. Pour d’autres joueuses peut-être, qui étaient un peu plus moyennes, je suis fier d’avoir créé cette structure et contribué à leur réussite. Je pense à Santana Sahraoui, Stéphanie Bayo, Précillia Rinaldi, Océane Daniel, … pour ne citer qu’elles. Des filles qui évoluent en D1 ou D2, ici ou à l’étranger. Donc oui je suis persuadé que le PSG a beaucoup œuvré au niveau de la formation de l’élite française et y a peut-être contribué autant, voir plus, ces dernières années que les pôles fédéraux de la FFF.

Selon vous, le PSG dispose-t-il de la meilleure formation pour les joueuses ?

Dans le dernier numéro du magazine Paris, il y a Grace et Marie-Antoinette qui reviennent sur les 10 dernières années et elles rappellent qu’il y a beaucoup de joueuses formées et beaucoup de titres glanés durant cette période. On peut décemment affirmer qu’on était la meilleure structure pour être former et pour atteindre le haut niveau.

Aujourd’hui, je ne vais pas me prononcer parce qu’il y a eu la période Covid et on a aussi changé d’organisation. Aujourd’hui, je ne pourrai pas être aussi affirmatif qu’avant. On est un peu dans une période de transition, dans l’attente du nouveau site de Poissy.

On avait pris beaucoup d’avance, mais aujourd’hui les autres clubs, les autres structures s’organisent pour venir nous concurrencer. Le point positif, c’est qu’on est devenu champion avec les Titis cette année et qu’on a désormais une très bonne réputation en matière de formation. On a également beaucoup de moyens, plus que certains clubs, et même si on aimerait parfois que la section soit plus soutenue, on est capable de réaliser d’excellentes choses. On a quand même de très belles conditions pour s’entraîner, on a toujours une très belle équipe U19. Mais cette question elle est plus à poser au nouveau directeur sportif, Ulrich Ramé.

 » Il y a eu beaucoup de changements au niveau de la direction sportive de la section féminine. Cela a desservi le projet de formation.

Quels sont selon vous les axes d’améliorations ou de développement les plus importants du PSG pour sa formation féminine ?

C’est principalement d’insister au niveau de sa préformation. Comme pour les garçons, on devrait fournir des conditions équivalentes d’accueil et d’encadrement aux filles.  Au Paris-Saint-Germain, ce qu’on pourrait améliorer c’est le suivi, apporter un peu plus de continuité et de stabilité à notre développement. Au niveau de la transmission des informations, malheureusement, il y a eu beaucoup de changements au niveau de la direction sportive de la section féminine. Cela a desservi le projet de formation. L’arrivée cette saison d’un directeur sportif à temps plein est forcément une très bonne nouvelle et cela démontre que nos dirigeants ont relevé cette faille.

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