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Pour la journée mondiale du droit des femmes, le Comité d’Organisation Local de la coupe du monde et la FIFA révélaient le 8 mars dernier l’affiche officielle de l’évènement. Objet d’analyses et critiques diverses, elle suscite le débat.
À la lecture des déclarations de la Fédération française de football, cette affiche devait, outre informer sur les dates, la nature et le lieu de l’évènement, se faire l’écho des valeurs féministes portées par les organisateurs et promouvoir le rayonnement de la France à l’international.
“ Cette affiche résume l’esprit de cette Coupe du Monde et celui de la FIFA. On y voit une femme à l’expression déterminée et au regard confiant, qui affiche le désir de devenir championne du monde.”1 déclarait Ana Brito, Directrice de la marque FIFA, dans son intervention lors du vernissage de l’affiche (retranscrite sur le site de la fédération).
Pourtant, cet élément de communication n’a pas eu l’effet escompté sur tous les publics. Il a même suscité des réactions assez négatives au sein du milieu militant LGBT relayées par le journal Glamour, allant jusqu’à dénoncer une approche sexiste dans les choix de graphisme2. En particulier, c’est le manque de référence à la performance sportive et une vision très stéréotypée de la féminité qui ont choqué. En effet, l’on y voit dessiné le portrait d’une jeune femme blanche, aux traits fins, maquillée, cheveux mi-longs.
Force est de constater qu’en comparaison avec la dernière affiche officielle de la FIFA pour la coupe du monde masculine, l’effort physique est très peu mis de l’avant. A l’occasion, de la 21ième édition en Russie, le mythique gardien de football russe Lev Yachine, ballon d’or en 1963 était mis à l’honneur. Un dessin le représente en plein arrêt d’un ballon/ planisphère avec un arrière-plan évoquant le mouvement artistique constructiviste de l’Union Soviétique.
Ce n’est pas la première fois que le traitement différencié des affiches officielles pour les championnats mondiaux provoque le débat. Il avait également éclaté à l’occasion de la coupe du monde féminine organisée par le Canada. Il y a quatre ans de cela, l’image officielle associée à la compétition était encore plus éloignée de la référence sportive qu’elle ne l’est aujourd’hui.
A l’époque, le choix du comité d’organisation c’était également porté sur un plan rapproché du visage d’une femme. Reflétés dans sa chevelure, les éléments montagneux, d’espaces verts, des plans d’eaux mais également des immeubles stylisés incarnent la diversité du paysage du pays. Pour le public inattentif, à qui la subtile référence au ballon cachée dans la représentation d’un soleil aurait échappée, la composition fait plus facilement penser à la reprise du célèbre Pocahontas, dessin d’animation de Walt Disney qu’à la compétition de football.
À l’instar de l’affiche canadienne, cette année encore, la seule évocation du mouvement provient de la chevelure de la jeune femme. Pour autant, il est heureux de remarquer, comme le soulignait Ana Brito, que le regard de l’effigie de la compétition a fait l’objet d’une attention particulière cette année. Il est clair que par rapport aux yeux mi-clos et le visage rejeté en arrière de la septième édition, la nouvelle composition inspire plus une vision de la femme déterminée et volontaire. Doit-on s’en contenter ?
Évidemment, tout le monde conçoit l’intérêt de convoquer l’allégorie de Marianne à la fois pour promouvoir le rayonnement du pays hôte, la France, et indiquer au spectateur que l’événement est une compétition féminine. Est-il pour autant justifié d’insister autant sur l’élément féminin et surtout de le présenter au détriment de la figure de la footballeuse ?
En effet, pour la compétition masculine, ce n’est pas le genre qui semble être mis de l’avant, mais plutôt l’identité sportive associée à la spécificité du pays d’accueil.
Sur l’affiche de la coupe du monde de 2014 par exemple, des jambes de footballeurs se disputent un ballon avec une belle référence au dribble, technique de jeu inventée et développée initialement au Brésil. L’opposition dessine les contours de la carte du pays qui reçoit la compétition. En fin de compte, les éléments de silhouette représentés ne désignent pas plus des joueurs que des joueuses.
Il serait cependant erroné de laisser croire que tous les éléments graphiques de la compétition cette année reposent sur des représentations visant à rassurer sur la féminité des joueuses. La démarche suivie pour les affiches des villes hôtes semble à ce titre bien différente de celle adoptée pour le poster national.
Toutes accordent une place prépondérante à la représentation du sport et les villes comme Grenoble ou Montpellier se sont même passées de toute référence graphique genrée. Paris, Nice, Rennes ou Valenciennes ont pris le parti de choisir une représentation plus inclusive des joueuses, en représentant leur diversité ou en optant pour des formes plus stylisées. Enfin, la référence de Marianne se retrouve dans l’affiche du Havre mais le ballon ressort bien plus clairement dans la composition.
Finalement, l’association de football féminin des Dégommeuses, engagées dans la lutte contre les discriminations et les LGBT-phobie apportera sans doute encore une nouvelles approches puisqu’elle a lancé en février dernier sa propre campagne de création d’affiche pour promouvoir l’événement sous une autre forme3. La participation au projet s’est clôturé le 7 avril dernier et la sélection des posters est en cours. Affaire à suivre…