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Le jour où … le football féminin a été reconnu en France

Par , 29/03/2020 16:30 juin 8th, 2021 No Comments
Le 29 mars 1970 après un long combat, la Fédération Française reconnaissait officiellement le football féminin. L’Équipière a reçu Ghislaine Royer Souef, capitaine emblématique de Reims et membre de la première Équipe de France. Elle raconte. ​

Il y a 50 ans jour pour jour, après des années passées à éviter la question et à repousser l’échéance, la Fédération Française de Football créait une section pour le football féminin. « Pierre Geoffroy (ndlr : entraîneur de Reims et premier sélectionneur de l’Équipe de France) nous a annoncé cette nouvelle lors d’un entraînement. C’était attendu depuis quelques temps. Il y a eu plusieurs réunions, dont la dernière au mois de mars. Il n’y a pas eu seulement ce jour-là, ça s’est fait sur quelques mois pour qu’on puisse gagner la bataille et être reconnues. Cette date était une finalité », se souvient Ghislaine Royer Souef.

La genèse de ce jour où…

Moment clé pour le développement de la pratique féminine en France, cette décision n’a pourtant pas été entièrement motivée par la volonté de faire évoluer le football féminin. Il s’agissait là pour la Fédération d’un moyen de contrôler la pratique. A l’instar de l’Association française de Rugby féminin (ndlr : créée en mars 1970), la menace de la création d’une 4F (Fédérations Française de Football Féminin) se développant en parallèle de la FFF était réelle. Dans le livre Histoire du football féminin au XXe siècle de Laurence Prudhomme-Poncet, Pierre Geoffroy affirme que cette hantise de la FFF de se faire doubler avait accéléré les choses. « La Fédération masculine décide de créer une commission spéciale pour contrôler le mouvement afin qu’il ne lui échappe pas, bien plus que pour le diriger et l’animer favorablement. » explique celui qui a entraîné la première génération tricolore officielle de l’histoire. « À cette époque-là, les Italiennes nous avaient demandé de rejoindre la FIEF (Federation International and European of the Feminine Football) pour laquelle elles jouaient. Là aussi, la FFF a eu peur de perdre des licences et à partir de ce moment là, ils se sont dit qu’il fallait reconnaître le football féminin. » se rappelle Ghislaine Royer Souef.

​Peu importe la manière et l’inspiration, la finalité était là : les femmes pouvaient enfin jouer au football en France en étant encadrées par une Fédération reconnue. Même si les Françaises n’ont pas attendu l’aval de la Fédération pour chausser les crampons. C’est d’ailleurs la réalité du terrain et l’engouement local pour le sport qui a également motivé la reconnaissance. « Des petits foyers où le football féminin naissait, il y en avait un peu partout. Il y en avait en Alsace, à Soyaux… » se remémore la joueuse rémoise. « Très vite, beaucoup de clubs se sont créés. » Ainsi, avant même cette date du 29 mars 1970, on ne comptait pas moins de cinquante clubs en France.

L’ancienne capitaine de Reims se souvient aussi de ses débuts avec le ballon rond où, loin d’être considéré avec sérieux et considération, elle jouait lors d’événements festifs en tout genre. « Pour nous les Rémoises, Pierre Geoffroy a voulu organiser une petite fête à la kermesse du journal L’Union. L’année d’avant, le spectacle était du Catch. Cette fois, il a proposé du foot féminin et a créé une équipe à partir d’une annonce dans le journal. » Pour beaucoup, le football féminin devait demeurer une attraction distrayante, rien de plus. Mais c’était sans compter sur la volonté des joueuses qui voulaient enfin voir leur pratique reconnue. Avec ses co-équipières, Ghislaine Royer Souef a persévéré et elles se sont peu à peu organisées autour de matchs et rencontres régulières. « On a notamment joué en lever de rideau d’un match de D2 des garçons entre Reims et Valenciennes. On avait reçu l’équipe d’Alsace, qui jouait beaucoup contre les Allemandes et on avait gagné. Et puis le dimanche on rejouait… »

L'équipe de France square Colbert à Reims, 1970
L’équipe de France square Colbert à Reims, 1970

​Malgré tout, elle évoque la difficile bataille qui a été menée pour enfin atteindre la reconnaissance officielle. «Ensuite, Pierre [Geoffroy] s’est battu. On n’avait pas encore de licences, on n’était pas assurées ou quoi que ce soit. Avec l’aide du Président de la ligue Nord Est (Louis Petitot) et d’autres messieurs, ils sont allés voir les instances pour qu’ils nous reconnaissent, ça n’a pas été très facile… En mars 1970, ils ont réussi à poser des signatures et à créer une section pour les femmes à la Fédération Française.»

​L’essor des rencontres internationales et des championnats de clubs

Les compétitions officielles elles, ont ensuite un peu tardé. Pour le premier championnat de France, il a fallu attendre la saison 1974/1975 qui vit Reims glaner le premier titre national. Avant cela, les Ligues locales avaient mis en place plusieurs championnats régionaux. Ce fut le cas en Alsace, dans le Sud-Est, le Nord, la Normandie, le Lyonnais mais aussi à Paris, où neuf équipes participaient en 1972 au premier championnat de Paris. En parallèle de cette organisation progressive des compétitions en clubs, l’histoire de l’Équipe de France pouvait enfin commencer. L’ancienne stoppeuse de Reims aujourd’hui âgée de 67 ans se remémore les prémices de la vie en Bleue. « Le 17 avril 1971 à Hazebrouck, on jouait le premier match de l’Équipe de France, qu’on avait gagné 4-0 (ndlr : contre les Pays-Bas). On était sur un petit nuage ! Jocelyne Ratignier avait marqué trois buts alors qu’elle ne marquait pas souvent, Marie-Claire Harant avait marqué le dernier. On s’était baladées techniquement, les Hollandaises avaient couru après le ballon… » Une première rencontre qui s’était jouée devant 1500 spectateurs dans les Hauts de France et qui en appelait beaucoup d’autres…

« A l’issue du match, Pierre Geoffroy nous avait annoncé qu’on partait un mois au Mexique pour jouer une Coupe du Monde officieuse. Martini, la marque de boisson nous avait tout payé. J’avais 17 ans. Je me souviens très bien de la joie des joueuses quand on a appris qu’on partait, on était intenables (rires) ! » raconte Ghislaine Royer Souef. Cette ère marquait le début des rencontres internationales de football féminin. Avec Pierre Geoffroy à la baguette, les Rémoises enchaînaient ensuite les tournées internationales : « En 1970, on était allées en Tchécoslovaquie, en Italie et en Grande Bretagne. L’année d’après, on a amené le football féminin aux Etats-Unis et au Canada, j’aime bien rappeler cette anecdote, car avant ça n’existait pas là-bas » La marche en avant du football féminin était définitivement lancé…

Équipe de Reims représentant la France à New-York, 1970
Équipe de Reims représentant la France à New-York, 1970

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