©photo : Manu Cahu
Le 28 juin 2019, la France est défaite en ses propres terres et quitte la Coupe du Monde au stade des quarts de finale contre les tenantes du titre. Retour sur cet événement tristement marquant de l’histoire des Bleues.
C’est devant 45 595 spectateurs, soit plusieurs centaines de plus que lors du match d’ouverture, que les Françaises et Américaines se sont départagées au soir du 28 juin 2019. Dans une atmosphère à la fois passionnée et crispée, les 22 actrices entrent sur le terrain avec un seul et même objectif : décrocher un billet pour la demi-finale. L’Équipe de France, qui dans son histoire n’est jamais parvenue à éliminer les Américaines en compétition officielle, espère y inaugurer une nouvelle ère sur son territoire.
La France dans ses éternels travers
Mais dès l’entame de match, les débats se compliquent pour Amandine Henry et ses coéquipières, qui concèdent un coup-franc à quelques mètres du flanc gauche de la surface de réparation. Rapinoe, qui réussit à déjouer le mur français, transforme l’essai. 1 à 0 pour les Stars and Stripes. Dominantes tout au long de la première mi-temps, les championnes du monde en titre, empêchent les Bleues d’exister en dehors des quelques brèves fulgurances individuelles de Diani et Le Sommer.
La seconde mi-temps repart sur un rythme plus équilibré, et les tricolores semblent enfin désinhibées. Maladroites devant le but et dans la dernière passe, elles ne parviennent toutefois pas à revenir à la marque. C’est précisément à cet instant que les Etats-Unis vont démontrer leur supériorité. Bien que bousculées, les joueuses d’Outre-Atlantique parviennent, sur une occasion, à aggraver le score grâce à l’opportunisme de l’incontournable Rapinoe. La panoplie des grandes équipes est alors étalée : capitalisation des temps forts et efficacité lors des temps faibles. Jill Ellis et les siennes prouvent encore une fois qu’elles sont d’un niveau supérieur, même si la qualité individuelle de l’effectif français a toujours inquiété ses adversaires.
Dos au mur, les françaises n’ont d’autres possibilités que d’aller vers l’avant. Plus déterminées que jamais, elles parviennent à s’installer par séquences dans le camp adverse, mais demeurent trop maladroites pour espérer rester dans la partie. Il faut attendre les dix dernières minutes du temps réglementaire, pour voir l’habituel coup de tête de Wendie Renard maintenir le navire bleu et sa horde de supporters à flot. Malgré les dernières forces jetées dans la bataille, le sort final est sans appel : la France est éliminée.
Un dispositif tactique inadéquat ou un mental fébrile ?
Lauréate du Ballon d’Or 2019 et auteure d’une compétition détonante, marquée notamment par une prestation de haut vol contre les tricolores avec un doublé, Rapinoe a été interrogée sur le niveau et le dispositif tactique de l’Équipe de France. La californienne a répondu à cette question avec franchise : « Elle (Le Sommer) devait être positionnée plein axe, ce qui aurait libéré la place pour Amel (Majri), qui rongeait son frein comme arrière gauche. Je n’ai pas compris le système tactique de l’équipe de France face à nous en quarts de finale ».
Rabrouée peu après par la sélectionneure française, la joueuse de l’OL Reign a toutefois pointé du doigt les interrogations de nombreux acteurs, notamment sur les schémas tactiques de Diacre. Pour son XI de départ, l’ancienne sojaldicienne a décidé d’aligner un effectif relativement classique en 4-2-3-1 : Bouhaddi – Torrent – M’Bbock – Renard – Majri ; Henry – Bussaglia ; Diani – Thiney – Le Sommer ; Gauvin.
Sur la ligne de front, Valérie Gauvin semblait trop inexpérimentée, dénuée du vice nécessaire au plus haut niveau international pour exister dans la partie et effrayer la charnière américaine. Un choix difficilement compréhensible, lorsque Eugénie Le Sommer gît sur un couloir gauche qui aurait pu être occupé par Amel Majri. Mais la timidité de la joueuse du MHSC n’était pas la seule cause de l’inefficacité offensive des Bleues. Le milieu de terrain a quasi-systématiquement accusé un retard de quelques secondes dans le placement et la transmission des ballons, induisant une césure de l’équipe en deux blocs et rendant complexe la montée vers l’avant. Une frilosité à tirer au-delà de la ligne des 15 mètres est aussi venue renforcer les difficultés offensives de la formation française.
Sur le plan défensif, la dernière ligne des françaises aura exposé au grand jour toutes ses fragilités. L’attentisme et l’alignement défensif approximatif ont servi sur un plateau d’argent le second but aux Américaines. Wendie Renard, pourtant à l’honneur sur les premières rencontres, a ensuite laissé apparaître de surprenantes failles, notamment sur cette action. A droite, Marion Torrent, peu épaulée par le placement de ses coéquipières a trop souvent été prise de vitesse par son vis-à-vis offensif.
Si la discipline tactique leur a incontestablement fait défaut, une autre question reste centrale, celle du mental des Bleues. « Vu leur talent, les Françaises devraient voler sur le terrain. Mais elles ont tellement peur de perdre qu’elles ne s’autorisent pas à gagner. Relax, les filles ! Les Françaises ont peut-être besoin de se détendre ou d’être dirigées par une coach plus débridée » analyse Rapinoe. Malgré le recrutement inédit d’un préparateur mental, en la personne de Richard Ouvrard, les tricolores ne sont donc pas parvenues à enterrer leurs vieux démons et ne passent pas le stade des quarts de finale.
Forte d’un des meilleurs effectifs au monde, dont une majorité de joueuses évoluant pour le sextuple champion d’Europe, l’Equipe de France n’est pour l’instant jamais parvenue à décrocher un titre en A, ce qui laisse à ses supporters un douloureux sentiment d’inachevé.
De nombreuses plaies à panser
Un an après ce nouvel échec sur la scène internationale, les souvenirs sont toujours aussi douloureux pour les Bleues. Des différends internes entre la sélectionneure et ses troupes, dont certaines cadres (ndlr : Wendie Renard y a consacré un pan de son livre, Mon étoile, paru quelques mois après le Mondial), ont éclaté sur la place publique. Des tensions qui, malgré la confirmation de Diacre à son poste, ont indéniablement fragilisé sa position.
Corinne Diacre, toujours en poste malgré cet échec, peine encore à trouver la formule gagnante. L’Euro, qui aura finalement lieu en 2022 octroyant avec une année de préparation en plus à toutes les formations, devrait définitivement sceller l’avenir de Corinne Diacre à la tête de l’Équipe de France. D’ici là, l’ancienne internationale devra s’atteler à ressouder un effectif en déliquescence et innover dans ses choix, aussi bien en termes de joueuses qu’en termes tactiques.