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Les femmes en noir : dans les coulisses de l’arbitrage au féminin

Par 05/05/2019 15:40 mai 5th, 2020 No Comments
3 arbitres - au centre, Stéphanie Frappart
© photo : Anders Henrikson https://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Sweden_-_Denmark,_8_April_2015_(16467445143).jpg
Alors que l’arbitrage dans le football a longtemps été une histoire d’hommes, les femmes au sifflet font progressivement leur apparition sur les pelouses. Déchiffrage de ce phénomène nouveau.

Début avril s’achevait à Doha le deuxième séminaire de formation des 27 arbitres centrales et 48 arbitres assistantes retenues par la FIFA pour officier lors de la Coupe du Monde féminine de football, qui se déroulera du 7 juin au 7 juillet en France. Séances pratiques, cours magistraux, formation à l’utilisation de la VAR, examens médicaux et physiques, les femmes en noir ont perfectionné tous les paramètres de leur fonction future. Elles ont par ailleurs eu l’opportunité d’arbitrer intégralement un tournoi international masculin U17 qui se tenait à Doha pour l’occasion.
Francs succès, ces stages, organisés en collaboration avec la fédération de football du Qatar, les fédérations nationales des arbitres retenues ainsi que la FIFA, soulignent l’engagement de cette dernière dans la féminisation du football et ont permis de mettre en lumière le professionnalisme et la rigueur des officielles féminines.

800 arbitres femmes sur 26 871 licenciés
Toutefois, la situation des passionnées du sifflet reste sujet à controverses. En juin 2018, la Fédération Française de Football (FFF) comptabilisait 26 871 arbitres licenciés dont seulement 800 femmes.
Cette saison, la Ligue 1 Conforama ne comptait aucune femme parmi ses 21 arbitres centraux jusqu’à la nomination, mardi 24 avril, de Stéphanie Frappart comme officielle pour le match Amiens-Strasbourg. Cette 34ème journée de championnat marque donc l’histoire du football français avec ce premier match de Ligue 1 arbitré par une femme. Cette unique référence souligne cruellement l’exclusion des femmes des terrains lors des rencontres masculines au plus haut niveau et leur cantonnement dans l’arbitrage de rencontres féminines.

Pourtant, aucune réglementation n’empêche normalement les femmes d’atteindre le plus haut niveau fédéral en termes d’arbitrage, la sélection se faisant par un système de montée et descente en fonction d’un classement réalisé chaque saison par la commission fédérale des arbitres (CFA).

Comment expliquer l’absence de femmes en noir dans les championnats fédéraux masculins?
S’il est difficile d’apporter une réponse consensuelle à cette question, il semble que la formation des arbitres féminines ainsi que leur recrutement jouent un rôle non négligeable et doivent donc être réformés.
Afin de palier à ce déficit et améliorer la qualité de l’arbitrage, la FFF a lancé en janvier 2019 un plan de professionnalisation des arbitres féminines d’élite. Ce dernier prévoit « une accentuation des moyens humains et matériels mis à la disposition des officielles féminines, un renforcement de leur préparation, ainsi qu’une évolution du dispositif d’indemnisation, afin de leur assurer les meilleures conditions d’exercice de l’arbitrage »¹. Première étape vers la professionnalisation de l’arbitrage féminin, ce plan devra s’accompagner d’une communication renforcée. Ceci dans le but de susciter des vocations ainsi que de sensibiliser l’opinion publique autour de cette problématique. Il est également primordial de permettre une indemnisation décente aux femmes arbitres afin qu’elles puissent, si ce n’est vivre de l’arbitrage, tout du moins officier dans de bonnes conditions au vu du dévouement et de l’implication dont elles font preuve.

“Rest[e] dans [t]a cuisine pour faire la vaisselle”
Une autre difficulté de taille à laquelle doivent faire face les officielles est le comportement des joueurs et supporters à leur égard. Lucie Le Tiec, arbitre officielle et sociologue à l’Université de Lille affirme d’ailleurs que « les femmes arbitres sont toujours considérées comme des femmes avant d’être considérées comme des arbitres »², ce qui entraîne des remarques sexistes qui n’ont pas lieu d’être sur un terrain. Ce fut notamment le cas en 2016 lorsque l’arbitre anglaise Stacey Pearson a (à juste titre) renvoyé un arbitre assistant après que celui-ci lui ait affirmé « qu’elle ferait mieux de rester dans sa cuisine pour faire la vaisselle »³.

Finalement, bien que des progrès restent à faire, nous ne pouvons ignorer la dynamique positive qui semble s’installer en France comme à l’étranger. Saluons par exemple Claudia Umpiérrez qui, en 2016, est devenue la première femme à arbitrer un match de football masculin en Uruguay, Sarah Thomas qui a arbitré son premier match en NFL 4 en janvier 2019 ou encore Babiana Steinhaus retenue pour l’arbitrage de la rencontre entre Hertha BSC et Werder Bremen en Bundesliga  (septembre 2017), pour ne citer qu’elles.

Mesdames, à vos sifflets !

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1 : Féminine : un plan de professionnalisation, Philippe Mayen, Vendredi 18janvier 2019, Site officiel : www.fff.fr
2 : Les arbitres féminines ont toujours du mal à se faire une place, Jérôme Bouchacourt, 24 octobre 2018, FootAmateur
3 : Female referees : what is it like to officiate games ? Alistair Magowan, 11 Novembre 2018,  BBC Sport
4: National Football League, le championnat fédéral masculin de football professionnel aux Etats-Unis

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