
@FPF
La première ligue portugaise a récemment fait l’objet d’une refonte de son modèle, avec l’instauration notamment d’un « salary cap » par club. Un choix contesté aujourd’hui par de nombreuses joueuses du championnat.
La décision de la Fédération portugaise de football (FPF) a décidemment du mal à passer. Fin mai, après avoir remodelé le format de son championnat, cette dernière a instauré un « salary cap » pour chaque club de la Liga BPI. D’une limite maximum de 550 000 euros, en tenant compte des salaires et primes de chaque joueuse de l’effectif, son objectif est selon la FPF de « garantir l’équilibre des clubs et la stabilité de la compétition ».
Si elle a été prise donc pour resserrer le niveau des clubs et maintenir de la compétitivité, cette décision n’a pas lieu d’être pour Mariana Cabral, journaliste à l’Expresso et spécialiste du football féminin portugais : « Cela n’a aucun sens d’avoir un salary cap car le championnat n’est même pas professionnel. C’est juste une mesure sexiste et discriminatoire ».
Ce « salary cap » va selon elle, en plus d’avoir déjà influencé certaines stratégies au sein des clubs avec plusieurs départs chez les locomotives du championnat pour rester sous la limite, « faire reculer le championnat portugais au niveau européen. On revient en arrière de plusieurs années ».
Légende : Raquel Infante, internationale portugaise et joueuse du SL Benfica
« Dévastateur et honteux »
En réponse à ce choix, de nombreuses joueuses, aussi bien professionnelles que amateures, se sont unies face à la fédération le 18 juin en lançant le mouvement #FootballSansGenre, multipliant les publications sur les réseaux sociaux pour dénoncer ce choix.
« J’ai lutté pendant des années pour faire ce que j’aime le plus, pour jouer au football, pour évoluer toujours plus, dans une lutte de générations. Contre toutes les discriminations, contre tous les préjugés, j’ai lutté pour en arriver là où je suis. C’est dévastateur et honteux, en plein XXIe siècle, de devoir lutter CONTRE la création d’un SALARY CAP dans le FOOTBALL FÉMININ au PORTUGAL » Raquel Infante
#FootballSansGenre #Égalité #Respect #FootballPourTous
Un communiqué commun a également été signé par plus de 100 joueuses et envoyé à la FPF, avec une principale critique formulée à l’encontre de celle-ci : une inégalité entre les hommes et les femmes, la Liga BPI étant le seul championnat de football à faire face à cette mesure de « salary cap » au Portugal.
Dans ce document que l’Équipière s’est procuré, les joueuses n’hésitent pas à remettre en cause les orientations de la fédération à l’égard du football féminin. En plus de parler d’une mesure « qui viole de manière flagrante leurs droits individuels en tant que joueuses de football, protégés par la loi, mais aussi les droits de l’Homme protégés au niveau national et international », elles pointent également du doigt le timing de celle-ci: « la détermination d’une limite maximum de la masse salariale dans le football féminin, sous couvert de la situation tragique de santé publique que nous vivons aujourd’hui, est totalement et clairement discriminatoire en plus d’être éthiquement répréhensible ».
L’attaque qui suit quelques lignes plus loin à l’encontre de la FPF est tout aussi cinglante : « comment la FPF peut s’ériger comme défenseure de l’égalité et de la non-discrimination quand elle viole de cette manière la promotion de l’égalité de genre ? La FPF préfère imposer un salary cap drastique dans le football féminin et ne rien faire dans le football masculin ? Pour quelle raison ? ».
« Il ne fait aucun doute que la concrétisation de ce règlement va permettre son examen devant les tribunaux nationaux, la Cour Européenne des Droits de l’Homme et la Cour de justice, dont la jurisprudence est révélatrice de la défense du principe d’égalité »
Un nouvel affrontement après l’Espagne
Pour ce qui est des actions, le mouvement de joueuses, avec l’appui de leur avocat, entend bien porter l’affaire devant la justice afin de faire disparaître ce « salary cap » : « il ne fait aucun doute que la concrétisation de ce règlement va permettre son examen devant les tribunaux nationaux, la Cour Européenne des Droits de l’Homme et la Cour de justice, dont la jurisprudence est révélatrice de la défense du principe d’égalité ».
Dans « l’espoir d’un monde nouveau », les joueuses appellent la FPF « à infléchir dès maintenant ce chemin qui, avant tout, la discrédite et lui nuit au-delà du raisonnable » pour continuer « à faire évoluer le football féminin et l’affirmation du football en tant que modalité globale qui rassemble. Elle doit supprimer, avant qu’il ne soit trop tard, ce règlement établissant un salary cap exclusif au football féminin ».
La balle est désormais dans le camp de la fédération portugaise, qui a réagi dès jeudi soir auprès du média portugais Expresso. Cette dernière a seulement rappelé que « les règlements de toutes les compétitions » à leur charge « sont en consultation publique et que les suggestions d’altération seront analysées et obtiendront une réponse ». Contacté par l’agence de presse Lusa, le syndicat des joueurs, à travers la voix de son président, s’est lui étonné de ne pas avoir été contacté par les joueuses qui ont lancé ce mouvement.
La FPF voudra sans doute éviter de se retrouver dans une situation similaire à celle de l’Espagne en novembre dernier. Pour rappel, les joueuses s’étaient mises en grève jusqu’à trouver un accord sur de nouvelles conditions salariales et contractuelles.