
Briana Scurry, gardienne pour les USA contre le Nigéria lors de la Coupe du Monde 1999 – photo du site de Briana Scurry
Médias américains et chinois ont accusé la gardienne Briana Scurry d’avoir triché
lors de la finale de la Coupe du monde 1999. Retour sur cette affaire.
« Les Américaines ont triché ». Cinq jours après le sacre des coéquipières de Mia Hamm lors de la Coupe du monde 1999, la journaliste Maggie Farley lâche ces quelques mots en introduction de son article publié dans le Los Angeles Times. Une accusation lourde que je me dois de recontextualiser.
Le 10 juillet 1999, les États-Unis affrontent la Chine en finale de la Coupe du monde. Le match se dispute sous la chaleur écrasante d’un après-midi californien en période estivale. Les 90 185 spectateurs amassés dans le Rose Bowl sont remontés à bloc. Il ne le savent pas encore, mais ils forment à ce moment-là un groupe constituant encore aujourd’hui la plus forte affluence officiellement recensée pour un événement sportif féminin.
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La finale sino-étasunienne est à l’image du score nul et vierge à l’issue des 120 minutes disputées, décevante. Après deux prolongations infructueuses, l’implacable juge est convoquée : la séance de tirs au but. La fameuse « loterie » comme certains observateurs aiment l’appeler. Un jeu de hasard qui ne repose plus uniquement sur la chance dès lors que l’huissier se fait duper.
Et cette tromperie, elle se matérialise par les deux petits pas vers l’avant au-delà de sa ligne de but réalisés par la gardienne américaine Briana Scurry lors de la course d’élan des tireuses chinoises. Un bond en avant illégal qui permet à tout gardien de réduire l’angle du frappeur et ainsi d’augmenter ses chances de stopper le tir au but adverse. A l’époque, le point 14 du règlement de la FIFA dédié au penalty ne laissait place à aucune ambigüité :
« Le gardien de but doit rester sur sa ligne, face au tireur, entre les poteaux, jusqu’à ce que le ballon ait été frappé »
Ce sont ces quelques centimètres gagnés par Briana Scurry lors de la séance de tirs au but qui ont poussé les médias chinois et américains à parler de tricherie. Après tout, les championnes du monde en 1991 n’ont remporté cette « loterie » que par cinq tirs au but à quatre. Même en trichant, Scurry n’a arrêté qu’une seule tentative adverse. La formation des Stars and Stripes aurait-elle décroché une deuxième étoile si sa gardienne avait respecté à la lettre les règles de la FIFA ? Ceci relève de la fiction, mais nous sommes en droit de nous interroger.
A ce stade de la lecture, une autre interrogation se pose. Ces petits pas frauduleux vers l’avant relèvent-ils simplement de la tricherie ou du génie ? La déclaration de Briana Scurry rapportée dans l’article de Maggie Farley publié dans le Los Angeles Times le 15 juillet 1999 pourrait bien orienter votre réponse : « Je suis sortie de ma ligne de but rapidement pour voir ce que l’arbitre allait dire, reconnaît Scurry à propos du tout premier tir au but de la séance. Si elle avait fait retirer le penalty, très bien. Mais elle ne l’a pas fait, j’ai donc continué à le faire. »
Celle qui fut élue meilleure gardienne du tournoi va même encore plus loin lorsqu’elle déclare au journal The New-York Times à l’issue du match : « Tout le monde le fait. C’est de la triche seulement si vous vous faites prendre. »
Bien évidemment, les médias chinois ne font pas l’impasse sur cet évènement au lendemain du match. « Incroyable ! » titre dans ses colonnes sportives le Shanghai News tout en montrant image par image les preuves de la tricherie. Le journal shanghaien Youth Daily fait de même en exposant ces mêmes clichés accusateurs. Bien qu’honnêtement, une analyse détaillée de la scène de crime était dispensable tant les images vidéos parlaient d’elles-mêmes. S’il était envisageable d’admettre que l’arbitre du quart de finale Argentine – Angleterre de 1986 avait réellement pu ne pas voir la « Main de Dieu » de Maradona, l’arbitre suisse de la finale féminine de 1999 ne pouvait pas ne pas voir la fraude de Scurry au vu de sa position sur le terrain au moment des tirs. D’autant que la gardienne américaine ne s’est pas seulement avancée lors du troisième tir au but qu’elle a stoppé, mais bel et bien sur chacune des cinq tentatives adverses…
Le journal chinois Yangcheng Evening News va encore plus loin en affirmant que les partenaires de Sun Wen ont été volées à deux reprises au cours de la finale. Lors de la séance de tirs au but comme nous venons de l’expliquer, mais aussi lors de la prolongation. Les faits litigieux ont lieu à la 100e minute lorsqu’à la suite d’un corner, la Chinoise Liu Ying voit sa reprise de la tête sauvée sur la ligne par Kristine Lilly. Le journal chinois affirme que la balle aurait franchi la ligne de but, ce qui est tout sauf évident au vu des ralentis. Un fait de match qui cristallise encore un peu plus les frustrations du camp chinois, d’autant qu’un but à ce moment du match aurait offert le titre aux Asiatiques. La prolongation étant soumise au système du but en or, la première équipe à marquer aurait remporté la victoire.
Le quotidien Beijing Evening News quant à lui s’interroge sur la raison pour laquelle les Chinoises n’ont pas protesté lors de la séance de tirs au but. Le journal rapporte alors la réponse de Liu Ailing, l’une des joueuses alignées lors de la finale : « [Nous n’avons pas protesté] Car nous étions toutes au milieu du terrain, et de là où nous nous trouvions, aucune de nous n’a remarqué que la gardienne américaine avait enfreint les règles en s’avançant. Mais l’arbitre pouvait le voir et avait le droit de faire retirer le tir au but. Mais elle ne l’a pas fait, et personne ne pouvait rien y faire. »
Un constat clinique à mettre en parallèle avec celui établi par la gardienne chinoise Gao Hong lors d’un reportage pour la télévision chinoise. Celle qui – pour le coup – n’avait pas enfreint les règles de la FIFA lors de la finale a reconnu non sans ironie que Briana Scurry avait été « très honnête » en admettant sa faute.

xQuant à Liu Ying, la tireuse malheureuse ayant vu sa tentative repoussée par Scurry, elle confesse au Youth Daily se sentir responsable de la défaite de son équipe. Pour autant, elle n’incrimine pas la gardienne américaine. « Le ballon n’est pas allé où je voulais qu’il aille, constate-t-elle. Il est allé sur Scurry. » Clinique, une fois encore.