©Compagnie Superlune
Depuis 2019, la pièce « Midi nous le dira » met en scène une Nadja, une jeune femme espérant être sélectionnée en l’Équipe de France Espoirs. Dans ce seul sur scène, Nadja s’adresse à la femme qu’elle deviendra dix ans plus tard.
Dans un entretien accordé à l’Équipière, Joséphine Chaffin, autrice et co-réalisatrice nous dévoile les secrets de la pièce.
Pouvez-vous vous présenter et introduire la pièce « Midi nous le dira » ?
Joséphine Chaffin, autrice dramatique et metteuse en scène. Je suis la co-directrice de la compagnie de théâtre « Superlune » que j’ai cofondée en 2018 avec Clément Carbédian qui est lui comédien et metteur en scène.
En juin 2017, j’ai répondu à un Appel à Projet du Comité de lecture « jeunes textes en liberté » sur le thème « Espoirs ». Quand j’ai lu le thème, j’ai directement pensé à l’expression « sportives ». Ensuite, j’ai pensé à quelque chose qui relève du féminisme, qui parle des femmes, de leur condition et de leur émancipation. En combinant les deux, je me suis dit que le sport était un superbe moyen de parler de la condition des filles. Enfin, j’ai choisi le football car c’est le sport le plus populaire mais aussi car c’est encore une discipline bien trop genrée.
Le spectacle parle donc d’une jeune fille qui souhaite réaliser son rêve sans que son genre soit un obstacle.
L’idée de proposer un projet abordant le football féminin en 2017 pouvait sembler audacieux ?
Pas du tout ! Dans mon écriture, j’ai toujours aimé mettre en avant des héroïnes, des rôles de femmes contemporaines. Le spectacle a vu le jour en 2019, trois ans après l’écriture du texte, le foot féminin avait donc pris une nouvelle ampleur. On a été portés par ce souffle d’intérêt pour foot féminin mais aussi par la nouvelle vague féministe.
Quel message souhaites-tu faire passer à travers cette pièce ?
Ma priorité était de m’adresser à la jeunesse. J’ai écrit quelque chose que j’aurais aimé qu’on me dise quand j’avais 17 ans. J’ai envie que les filles se sentent en confiance, qu’elles s’autorisent à réaliser ce qu’elles veulent sans que leur genre ne leur pose de problèmes. On joue devant des collégiens et lycéens qui arrivent à s’identifier dans la pièce mais on remarque aussi que lorsque l’on joue devant le grand public, toutes les générations semblent impactées. Il y a dans cette pièce, un fort message d’espoir, de transmission et de combativité pour vivre librement en dehors des stéréotypes de genre.
Comment avez-vous pensé la création du personnage principal de ta pièce ?
Je ne me suis pas inspirée d’une footballeuse en particulier. Je n’y connaissais pas grand-chose en football donc je me suis documentée pour avoir une base réaliste. Je n’avais pas le temps d’avoir un angle documentaire sur une joueuse en particulier et je voulais surtout mettre en avant le fait que d’être une fille pourrait être une entrave à une vocation. Le foot était donc un bon prétexte pour mettre ce type de parcours en avant. Après une représentation à Reims, j’ai eu la chance de rencontrer Hélène Fercoq (ndlr, aujourd’hui joueuse à Dijon) qui m’a dit avoir été touchée !
©Compagnie Superlune
Il y a peu de pièces de théâtre en lien avec du sport et du football féminin, quels ont été les principaux obstacles que vous avez pu rencontrer ?
Ce qui est très intéressant c’est qu’il y a quand même beaucoup de similitudes entre le métier de comédien et de celui de sportif : l’effort, l’endurance mais aussi la précision dans les gestes. Dans notre manière de faire du spectacle, il y a quelque chose d’athlétique car nos textes sont très denses. Comme c’est un “seul en scène”, la comédienne fait tous les personnages, toutes les époques, il y a quelque chose qui relève vraiment de la performance physique. L’entièreté de la pièce repose sur la performance de l’actrice.
Comment l’idée de faire un seul sur scène est-elle venue ?
C’est en effet la seule comédienne sur scène mais avec elle, il y a Anna Cordonnier, une musicienne qui joue en live tout le long de la pièce. On a tout de suite pensé à mettre une musicienne avec elle, cela permet à la comédienne d’avoir une partenaire de plateau. La musique est plutôt électro, ce qui donne du rythme à la pièce et nous permet de raconter le sport. Ensuite, comme j’ai écrit la pièce comme un monologue, c’était spontané de choisir de faire un seul sur scène. C’est donc la même actrice qui prend tous les rôles et qui nous embarque avec elle dans le récit.
Quel regard portes sur les liens entre le féminisme et le sport ?
Nous sommes en pleine 4e vague du féminisme, c’est encore assez récent mais il n’y a plus de honte à dire que nous sommes féministes. Il y a quelques années, quand j’étais au lycée, il était impensable de dire qu’on était féministe. Il faut faire de la pédagogie en permanence quand on parle de féminisme et je pense que c’est pour cela que les sportives ont encore un peu de mal à se revendiquer comme tel. Ce qui me marque aujourd’hui, c’est la manière dont les jeunes générations semblent de plus en plus déconstruites. Par exemple, quand on joue le spectacle en milieu scolaire, devant les ados que l’on fait un bord plateau après la pièce, aucun d’entre eux ne parle du fait que ce soit une fille qui fasse du foot. Ce n’est pas un sujet pour eux, cela ne les choque absolument pas, c’est quelque chose qui semble intégré. J’estime alors que c’est une marque de l’évolution des mentalités et cela me donne espoir !