Mylaine Tarrieu lors du match de Women’s Cup du Grand Est contre Reims – ©Victoria Lapauze / L’Équipière
À 24 ans, l’attaquante martiniquaise formée à l’OL vient de s’engager avec Dijon après une longue blessure et un épisode compliqué à Bordeaux. Désireuse de se relancer en Bourgogne, Mylaine Tarrieu raconte ses deux années de galère et confie son plaisir de retrouver les terrains.
« Mylaine, comment se passent les premières semaines en Bourgogne ?
J’ai reçu un bon accueil. Je trouve que les supporters ont hâte que la saison commence. Dès que j’ai signé, j’ai eu beaucoup de messages via instagram. Ça fait plaisir d’être accueillie comme ça dans un nouveau club. C’est toujours bon pour le moral et la confiance. Je prends du plaisir avec mes nouvelles coéquipières, à être sur le terrain.
Qu’est-ce qui a motivé votre choix de rejoindre le DFCO ?
J’ai eu deux saisons compliquées aux Girondins des Bordeaux. Ma blessure à la cheville m’a éloignée des terrains pendant pratiquement deux ans. À la trêve hivernale, Dijon m’avait déjà contactée. Je m’étais reblessée donc on n’a pas pris le risque. Quand le coach de Dijon m’a rappelée, j’ai bien aimé le projet, ça m’a plu. Je me suis dit que c’était un club qui pouvait me relancer, me faire du bien. Je veux retrouver du temps de jeu et le plaisir de jouer au football.
« Cliniquement, ça paraissait stable mais moi je trouvais que ma cheville était instable. Je le sentais sur les accélérations »
Racontez nous cette longue blessure.
Je me blesse sur la deuxième journée de championnat en septembre 2018 contre Rodez. Le lendemain, j’ai rendez-vous avec le médecin, il me dit que j’en ai pour six semaines, sauf que ça a duré six mois jusqu’en janvier. C’était une grosse entorse, j’avais trois ligaments rompus. Pendant ce temps-là, je suis retournée en Martinique chez moi pour un peu de vacances. Quand je rentre sur Bordeaux, je reprends l’entraînement avec le groupe. Tout se passe bien et je rechute au bout de cinq jours. Je suis encore écartée des terrains pendant trois quatre mois… Je reviens au mois d’avril contre Lyon. C’était chez nous, l’entraîneur me fait entrer en deuxième mi-temps. À la fin du match, je me reblesse et cette fois c’est un arrachement osseux.
À ce moment-là, que se passe-t-il ?
Le championnat se termine, je décide de ne pas partir en vacances et de rester en métropole. Je prends un coach perso, je me prépare physiquement et mentalement, en espérant que ma cheville, ce soit du passé. À Bordeaux, il y a un nouvel entraîneur (Pedro Martinez Losa) et un nouveau staff. Je me reblesse à la cheville après deux entraînements… (elle s’arrête). Cliniquement, ça paraissait stable mais moi je trouvais que ma cheville était instable. Je le sentais sur les accélérations. J’ai décidé de consulter différents avis. Le premier me dit qu’il n’y a pas besoin d’opération. Il me fait porter une botte pendant un mois, je suis le protocole. Je vois que ça ne va toujours pas, j’ai les mêmes douleurs.
©Victoria Lapauze
« Je suis quelqu’un de réservée qui ne montre pas sa peine. Quand j’allais en soin, que je voyais mes coéquipières, j’avais toujours le sourire »
Donc vous décidez de vous faire opérer à l’été 2019 ?
Avec mon agent, on décide de prendre un autre avis sur Paris. Je me fais opérer le 30 juillet 2019. Après cinq mois de convalescence, je reprends mon premier match en décembre. Pas de chance, je fais une déchirure à la cuisse : 4 mois d’arrêt. Ça faisait un moment que je n’avais pas joué, les muscles n’ont pas tenu. Et puis après, il y a eu le confinement…
Par quelles étapes êtes-vous passée pendant ce long arrêt ?
Je suis quelqu’un de réservée qui ne montre pas sa peine. Quand j’allais en soin, que je voyais mes coéquipières, j’avais toujours le sourire, je ne pouvais pas véhiculer une mauvaise humeur. Par contre quand j’étais seule chez moi, c’était compliqué. C’est mon métier, j’avais envie d’être sur le terrain, de jouer au football, de marquer des buts. Ça a forgé mon caractère.
Avez-vous eu peur de ne plus pouvoir jouer au football ?
C’étaient des années de galère. Après l’opération, quand j’ai repris le ballon et que je me suis pétée une nouvelle fois, plein de choses se sont passées dans ma tête. À ce moment-là, je me dis qu’il faut peut-être arrêter. Je suis quelqu’un qui prie beaucoup et le soutien de mes amis et de ma famille m’ont permis de rebondir. Niveau mental, je suis prête maintenant. Ça fait partie du métier, c’est comme ça.
Comment s’est passé votre confinement ? On imagine que vous en avez profité pour travailler physiquement.
Avant le confinement, j’avais quasiment repris. Je m’entraînais déjà avec le groupe. Pendant le confinement, j’ai continué à bosser, à travailler sur ma cheville, même si je n’ai pas de douleur. J’ai travaillé physiquement et musculairement. Pour le moment, tout va bien.
« Je n’ai pas d’appréhension dans les duels, dans les contacts. C’est déjà un point positif »
©Victoria Lapauze
Votre cheville est comme neuve ?
Oui, c’est comme si j’avais une cheville neuve. Parfois j’ai des douleurs au réveil, mais ça c’est normal. Une fois que la machine est en route, franchement ça va.
Avec le ballon, comment vous sentez-vous ?
Ce qui est bien c’est que je n’ai pas d’appréhension dans les duels, dans les contacts. C’est déjà un point positif. C’est sûr que pour le moment, je ne suis pas à mon niveau de Lyon ou même de Bordeaux.
Il faudra du temps, même si je suis très exigeante avec moi même. J’ai envie de marquer, de faire marquer. Mes muscles n’ont pas eu de charge importante depuis longtemps, je ne peux pas me donner à fond. Ce sera à moi de gérer les temps forts et temps faibles. Contre Evian-Thonon en match amical, j’ai joué quarante-cinq minutes, je me suis bien sentie (ndlr : elle a marqué le troisième but dijonnais, 3-0, 75e).‘Je pense que les matchs amicaux vont me faire du bien. Je vais rejouer une mi-temps ce week-end à Phalsbourg.
Qu’est-ce que vous ont apporté vos années lyonnaises ?
L’Olympique Lyonnais est un grand club, j’ai tout appris là-bas. J’ai évolué avec de grandes joueuses notamment Lotta Schelin, Elodie Thomis, Louisa Necib, Wendie Renard, Alex Morgan… C’est un club qui m’a fait grandir, j’y ai tout gagné, notamment la Ligue des Champions. J’ai tellement progressé lors de mon expérience à Lyon, tant offensivement que défensivement… J’ai aussi pris en maturité. En s’entraînant au quotidien avec de grandes joueuses, on ne peut que progresser.
Et vos années bordelaises, vous parvenez à en retirer du positif ?
À Bordeaux, je n’ai pas pu mouiller le maillot comme je l’aurais souhaité et ils comptaient beaucoup sur moi. Ce que je retiens de ce club, c’est qu’il est très familial. Même si je n’ai pas joué pendant deux ans, ils ont toujours été là pour moi, que ce soit le staff, les kinés, le médecin, le boss, le président, tous. Je n’ai jamais eu l’impression d’être seule ou exclue du groupe. Même en tribunes, j’avais l’impression d’être sur le terrain. C’était un vrai plus, j’ai beaucoup aimé.
« On peut finir en haut de tableau, titiller les grosses équipes »
Quel a été le discours du coach Yannick Chandioux pour vous motiver à rejoindre Dijon ?
Il m’a dit qu’il voulait me relancer, il sait que je suis une très bonne joueuse. Il m’avait vue évoluer à l’OL. Il veut que je redevienne la joueuse que j’étais à Lyon. Son discours m’a plu et son projet de jeu aussi. Maintenant, il faudra que je retrouve la confiance. J’ai toujours mes qualités de dribbles mais je trouve que j’ai perdu un peu de niveau en vitesse.
Ces dernières années, l’attaque de Dijon a eu du mal, mais avec les autres recrues estivales (Oparanozie, Gordon), vous pouvez être ambitieuses…
Quand j’ai vu qu’il y avait des nouvelles recrues, je me suis dit qu’on pouvait rivaliser. On peut finir en haut de tableau, titiller les grosses équipes. Je sais que l’année dernière, elles avaient fait 0-0 contre Lyon. L’équipe a une bonne mentalité, on pourra faire de bonnes choses cette saison. On va jouer notre jeu, on s’entraîne pour ça.
La saison commence dans trois semaines, vous avez hâte ?
J’ai hâte que ça commence, que le championnat reprenne, qu’on puisse vivre de belles choses. J’ai envie de jouer, de m’amuser sur le terrain. Avec le staff, on a prévu que je ne joue pas les deux premiers matchs de championnat, on verra. Ça peut changer, ça va dépendre de comment je me sens. Je veux jouer mais je ne vais pas me précipiter. Je connais les blessures, c’est mieux de rater quelques entraînements ou quelques matchs que de galérer pendant deux ans. Au fur et à mesure, je me fixerai de nouveaux objectifs. »