Olympique de Cayenne – © Rina Long
Département le plus vaste des territoires ultramarins français, la Guyane est également une terre de football féminin. S’il se développe indéniablement, le chemin à parcourir reste encore long. L’Équipière a échangé avec Rina Long, présidente de la sous-commission du développement du football féminin de la Ligue de football de la Guyane.
Prendre de l’élan pour mieux aller vers l’avant
Si la Guyane est presque aussi vaste que la Nouvelle-Aquitaine (ndlr : Aquitaine et Poitou-Charentes), son territoire est occupé à près de 95% par la forêt amazonienne.
De ce fait, le championnat senior féminin local se compose de deux groupes adaptés à cette géographie particulière : Centre et Centre-Ouest. Chacune des poules accueille six équipes parmi lesquelles se démarquent Loyola (1) et le Cosma Foot. Les jeunes ne sont pas en reste dans cette équation puisqu’il existe également une poule collège (jusqu’au niveau U15) et une poule lycée (jusqu’au niveau U18).
Au total, la Ligue Guyanaise dénombre près de 550 licenciées sur tout le département. Un chiffre qui ne saurait satisfaire Rina Long, la commission régionale féminine, en quête perpétuelle de nouvelles recrues : « Au niveau de la ligue, mon équipe (2) et moi-même avons mis en place des journées de découverte. On sillonne en priorité les communes où il n’y pas, ou très peu, de licenciées pour initier les jeunes filles (entre 6 et 18 ans) à la pratique et les inciter à s’inscrire dans les clubs », explique-t-elle.
Les jeunes, son premier combat. En Guyane, trois sections sportives scolaires exclusivement féminines existent pour les apprenties footballeuses, une à Balata (Cayenne) et deux à Bouyer d’Angoma (Saint-Laurent-du-Maroni). « Mon souhait est qu’il existe plus de sections sportives féminines », annonce-t-elle.
Pour l’heure, même si la pratique poursuit son développement, Rina Long mesure le chemin qu’il reste à parcourir : « C’est un travail collectif à organiser entre les clubs et les conseillers techniques locaux. En ce qui concerne les structures techniques et les entraînements, il faut plus de moyens. On a aussi d’autres projets, sur la formation des cadres, des bénévoles, des dirigeants et des arbitres. Le football ce n’est pas qu’être joueuse ! », confesse-t-elle.
Rejoindre la métropole, l’objectif final
Malgré les efforts consentis pour le développement du championnat local, les plus talentueuses et ambitieuses n’ont que la perspective de rejoindre la métropole comme véritable débouché de carrière. Un fait d’autant plus réel que, désormais, seules trois joueuses U16 et trois joueuses U18 sont autorisées à figurer dans une équipe sénior. Bien loin de Paris et des autres grandes villes du continent européen, la Guyane et les îles antillaises tentent alors d’offrir à leurs jeunes filles diverses occasions de se mettre en avant.
« On organise des détections pour les inter-ligues selon plusieurs critères qui sont : l’âge, le niveau sportif et les résultats scolaires. Ensuite, on organise des rencontres contre des équipes locales. Seize filles au total sont sélectionnées pour faire partie de la sélection Antilles-Guyane dans laquelle trois Guyanaises devaient figurer cette année. Elles ont besoin d’affronter d’autres équipes pour se jauger », nous explique Rina Long.
Une opportunité unique de se mettre en avant pour espérer rejoindre un pôle espoir dans l’Hexagone.
Un projet social indispensable
Si le football reste le principal objectif de la ligue, elle ne saurait négliger le volet éducatif des activités sportives. Un impératif, selon la présidente, dans un territoire où près d’une personne sur trois est en proie à des difficultés non négligeables de lecture et d’écriture. Le football est alors utilisé comme vecteur de sensibilisation à divers sujets de société.
« On invite des associations à sensibiliser les jeunes filles sur des sujets importants : l’alcoolisme, l’illettrisme. On se sert du football comme vecteur de développement social. », nous explique cette fervente amatrice de football.
Au mois de mars, un événement inédit devait d’ailleurs voir le jour : « On voulait faire un grand plateau à l’occasion de la Journée Internationale des Droits de la Femme avec les sélections U18 et sénior centre et centre ouest, mais avec la crise sanitaire tout est tombé à l’eau », regrette-t-elle.
Des initiatives qui visent à éveiller les jeunes filles dans leur jeu et dans leur vie.
Un engouement croissant et un défi sans précédent
La popularisation du football féminin, notamment par le biais de l’Équipe de France A, est palpable à tous les niveaux. Bien que distante de l’épicentre des activités, l’Outre-Mer, n’est pas en reste : « Maintenant, il y a des supporters qui viennent voir les équipes, notamment depuis la dernière Coupe du Monde. Je me bats pour que le football féminin ait sa place, pour que les médias et les instances nous suivent », affirme Rina Long. Et même à 7 000 km, pas question pour les Guyanaises de se tenir à l’écart de l’événement.
« Nous avons organisé la journée Footibel en partenariat avec la FFF. On l’a faite à Sinnamary, à mi-chemin entre l’Ouest et l’Est. Il y avait différents plateaux en fonction des catégories et chaque équipe représentait un pays. C’était notre Coupe du Monde à nous. Il y avait plus de 230 participantes ! », se réjouit-elle.
Si les jeunes filles se rêvent de plus en plus en stars du ballon rond, elles en oublient parfois les étoiles montantes locales : « Beaucoup de jeunes filles ne s’identifient pas assez aux locales. Orianne Jean-François est notre principale ambassadrice mais elles pensent en premier lieu à Wendie Renard (ndlr : native de la Martinique), avant même Orianne », déplore celle qui est pourtant l’une des premières supportrices de l’Olympique Lyonnais.
Un constat malheureux qui atteste, néanmoins, d’un engouement croissant qu’il faudra maintenir une fois que le championnat aura repris. En 2020, le titre de Championnes de Guyane n’a pas été décerné en raison de la pandémie qui sévit encore actuellement sur tous les continents.
Le seul département français d’Amérique du Sud tente progressivement de se relever de cette crise sans précédent, qui a encore des conséquences sur la tenue des activités sportives : « Le plan d’urgence sanitaire s’est achevé le 16 septembre, donc la reprise devrait intervenir prochainement », nous explique-t-elle.
Passionnée et déterminée, Rina Long ne semble pas prête à renoncer à ce combat, celui en faveur du virus du football.