©photo : Le combat continue
Éternel dauphin de l’Olympique Lyonnais, le Paris Saint-Germain peut néanmoins compter sur le soutien infaillible de ses supporters. Entretien avec deux inconditionnels du PSG.
« Unis par la même passion », bien que parfois séparés par leurs convictions, Fabien (capo du groupe « Le combat continue ») et Cédric (un de leurs sympathisants), ont échangé avec l’Équipière sur leur engagement et leur vision de la politique sportive de leur club de cœur.
Comment s’est constitué votre groupe de supporters ?
Fabien : J’étais déjà au Parc des Princes avant le plan Leproux (1). Avec deux amis, on a créé « le combat continue » (LCC). On était dans la contestation pure et dure ! Le Collectif Ultras Paris (CUP) s’est créé en partie autour de ces groupes contestataires dont LCC.
Durant les trois premières années de la contestation, qui a duré six ans, nous ne sommes pas allés voir les féminines. À force d’être refoulés à l’entrée des stades, on a commencé à se tourner vers les jeunes et les féminines. Initialement, on était très portés sur les tribunes. On venait pour représenter notre ville et notre club. Mais petit à petit, on a retrouvé des choses que l’on n’avait plus dans le sport masculin : la proximité, l’échange. Et ça nous a fait du bien de voir ce côté humain parce que l’on fait énormément de sacrifices, on met de côté certains aspects dans nos vies personnelles.
Les filles voulaient aussi avoir un public derrière elles, alors on s’est trouvés au bon moment ! Elles avaient peur qu’après la contestation on lâche l’affaire, mais on a continué parce qu’on aime ça. Au début, on allait seulement au stade mais maintenant on suit davantage l’actualité, on regarde les joueuses qui signent un peu partout, on y fait très attention.
Aujourd’hui, le CUP compte environ 3000 membres dont 100 dans mon groupe. Tous les groupes ne font pas les féminines. Ceux qui le faisaient pendant la contestation (Liberté pour les abonnés, Nautecia) continuent, avec le groupe UP qui s’est ajouté à la cause. Pour les gros matchs, on se sert du forum du collectif pour inciter le maximum de gens à y aller. Parfois on prépare des tifos un mois à l’avance, comme pour Arsenal où on avait prévu un tifo magnifique.
Cédric : C’est une satisfaction. On ne les a pas lâchées. On était parfois 3 à faire des déplacements européens, en Roumanie… Maintenant on est beaucoup plus nombreux et c’est une source de motivation de savoir que l’on va pouvoir chanter avec plein de gens. À Jean-Bouin, une partie du stade nous est réservée. Les joueuses sont très contentes de nous avoir, elles disent souvent que nous sommes les meilleurs supporters.
« Le club doit aussi stabiliser l’effectif et mettre plus de moyens. Aulas, je ne l’aime pas, mais il assiste à la plupart des matchs de ses joueuses. » (Fabien)
Quel regard portez-vous sur la rivalité et l’écart avec l’Olympique Lyonnais ?
Cédric : Quand les Lyonnaises vont dans les autres clubs, elles sont accueillies comme des reines parce que c’est un club qui fait rêver tout le monde. On a ramené ce côté « rivalité » en tribunes, ça fait partie du jeu ! On met la pression sur l’adversaire.
Fabien : C’est ce qui crée de l’engouement ! Il en faut. Mais les rivalités féminines ne sont pas encore totalement ancrées. Quand des propos durs sont tenus par des joueuses avant PSG-Lyon, elles sont énervées sur le moment mais après elles prennent des photos ensemble sur les réseaux.
L’écart entre le PSG et l’OL est avant tout psychologique. Il y a un gros manque de confiance, un complexe d’infériorité. Le club doit aussi stabiliser l’effectif et mettre plus de moyens. Aulas, je ne l’aime pas, mais il assiste à la plupart des matchs de ses joueuses. Chez nous, s’ils viennent une fois dans l’année c’est déjà beaucoup. On fait partie des meilleures équipes d’Europe, mais il nous manque ce petit truc pour être des plus grands. Tant que l’on ne gagne pas des titre autre que la Coupe de France, il y aura toujours ce complexe. Et en l’état, le recrutement me fait peur (2).
Comment avez-vous vécu la première finale de Ligue des Champions en 2015 contre Francfort (ndlr : qui était la première finale de l’histoire du club, toutes sections confondues) ? Les ultras parisiens étaient encore interdits des stades à l’époque…
Fabien : Cette finale nous a laissé un mauvais souvenir. On a fait une quinzaine d’heures de trajet, parce que le match était à la frontière entre l’Allemagne et la Pologne. Le club a été averti de notre arrivée et le chef de la sécurité de l’époque a racheté toutes les places restantes dédiées aux supporters adverses pour nous empêcher de rentrer. Il y a une partie d’entre nous qui a pu rentrer dans le stade malgré tout, et l’autre partie a été bloquée par la police locale.
« La plupart des membres de mon groupe, s’ils devaient choisir entre la Ligue 1 et la D1, hésiteraient à ne supporter que les féminines ! » (Fabien)
La politique sportive du PSG vous semble-t-elle évoluer dans un sens positif depuis cette date ?
Fabien : On a du mal à savoir ce que les dirigeants veulent exactement. Certaines joueuses, en « off », nous disent des choses qui nous inquiètent pour le futur. D’autant plus que les mentalités changent dans le football féminin, il commence à y avoir de l’argent.
Je ne comprends pas non plus leur politique avec les jeunes. Certaines ont le potentiel pour continuer en senior. Cette politique a toujours été décriée. On les donne à un club contre qui on lutte chaque année. J’ai l’impression qu’ils privilégient les étrangères pour leur mentalité.
Cédric : Pour ces jeunes-là, j’en veux plus au Paris Saint-Germain qu’aux joueuses elles-mêmes. Le PSG ne sait pas retenir ses joueuses et c’est un grand problème. Je ne sais pas comment c’est géré au niveau sportif, mais quand une joueuse est en fin de contrat, soit on fait tout pour la garder, soit on a une solution pour la remplacer. Je comprends les joueuses qui sont en fin de contrat, sans nouvelles de la direction, et à qui d’autres clubs font des propositions. C’est un métier avant tout.
Fabien : Mais on reste à notre place, on fait notre travail en tribunes. On veut des résultats mais ça, c’est le rôle du staff et du club. On ne triche pas, c’est une passion. La plupart des membres de mon groupe, s’ils devaient choisir entre la Ligue 1 et la D1, hésiteraient à ne supporter que les féminines !
Le départ de Kiedrzynek (aussi appelée Kasia), qui était la joueuse « préférée » des ultras, a dû vous laisser un grand vide ?
Fabien : C’est une page qui se tourne. Une fille comme elle, on n’en retrouvera pas. Elle a un franc-parler, qui déplait parfois. Elle aimait vraiment Paris, elle répondait à tous nos messages. On est très déçus qu’elle parte.
Cédric : Ce n’est pas facile à exprimer. Il y a encore une certaine proximité, qui m’a d’ailleurs fidélisé à l’équipe féminine. Kasia avait une vraie relation avec les supporters. Elle disait elle-même qu’elle avait l’esprit ultra. Après les matchs, elle prenait le temps de nous remercier, elle prenait le mégaphone pour chanter avec nous. C’est le choix de la direction, mais tout le monde est déçu. Elle n’est plus au club, mais c’est une Parisienne à vie ! On reste lucide, c’est le football qui est comme ça.
« On espère que [les jeunes] ont conscience qu’elles portent l’étendard du PSG et que l’on compte sur elles pour ramener des titres. » (Cédric)
Après la Coupe du Monde, peut-on dire que la D1 a été plus attractive, vu des stades ?
Fabien : Pas vraiment. C’est un travail de chaque instant. Il faut un travail de fond. Si on ne se donne pas à fond, personne ne viendra dans les stades. Ce qui fait défaut à la D1 c’est qu’il n’y a que quatre équipes compétitives. On ne peut pas créer d’émulation quand il y a toujours le même champion et le même dauphin. Ça nous fait plaisir de mettre 11-0 à Marseille mais derrière, pour quelqu’un qui regarde le match sur CANAL+, il se dit : « en fait, c’est ça le foot féminin ? ».
La question de l’identité parisienne est-elle primordiale pour vous ?
Fabien : Bien sûr. Pourquoi est-ce qu’on ne va pas chercher des gens qui ont la culture du Paris Saint-Germain : Pierre Ducrocq, Eric Rabésandratana ? Bruno Cheyrou reprochait à Aulas de vouloir déplacer le match contre nous (3), mais ça ne l’a pas empêché de signer là-bas après.
Cédric : Quand une joueuse est formée au club, supportrice du club et joue dans l’équipe première, c’est une fierté.
On essaye d’aller les voir de temps en temps. On a envie de voir les jeunes talents. À l’époque, ce sont elles qui sont venues vers nous. En 2014, Hawa Cissoko, à la fin d’un match senior Juvisy-PSG, est venue nous voir en nous disant qu’elles avaient une demi-finale contre Saint-Etienne. Elles voulaient qu’on vienne les encourager.
On espère qu’elles ont conscience qu’elles portent l’étendard du PSG et que l’on compte sur elles pour ramener des titres. C’est le message que j’aurais pour des joueuses comme Grace Geyoro, Perle Morroni, Marie-Antoinette Katoto : elles ont le devoir d’être performantes et de tirer le club vers le haut.
(1) Mis en place en 2010 à la suite du décès d’un supporter parisien, la plan dit « Leproux » visait à pacifier l’ambiance au Parc des Princes (dissolution d’associations, placement aléatoire de supporters).
(2) Entretien réalisé avant les signatures de Ramona Bachmann et Bénédicte Simon
(3) Le match retour PSG-OL était programmé le 14 mars 2020, soit 2 jours après le retour des internationales. Il a finalement été annulé, in extremis, pour des sanitaires