Pauline Peyraud-Magnin est désormais la gardienne n°1 en Équipe de France après la décision de Sarah Bouhaddi de se mettre en retrait de la sélection – ©ManuCahu
La gardienne de l’Équipe de France (6 sélections), recrutée par l’Atlético cet été, semble plus épanouie que jamais sous le soleil de Madrid. À 28 ans, elle a récemment décidé d’assumer publiquement son homosexualité en s’affichant pour la première fois avec sa compagne sur ses réseaux sociaux. Un acte fort sur lequel elle s’est confiée pour L’Équipière dans le but de mettre fin au tabou de l’homosexualité dans le football.
Pourquoi avez-vous décidé de publier ces photos maintenant ?
Parce que je l’aime, déjà. Je pars du principe que je suis sûre que j’ai trouvé la bonne personne. Je n’ai plus envie de me cacher, plus envie de me briser. Je pense que j’ai passé un cap aussi. Ce n’était pas évident de le faire avant en France. En arrivant en Angleterre et même en Espagne, je me suis rendue compte que c’est normal, en fait. Là-bas, je me suis vraiment épanouie. En Angleterre, on ne critique pas. Dans la rue, il n’y a pas un regard de bas en haut. Du coup je me suis sentie en harmonie. Et la première photo, je l’ai postée sans vraiment m’en rendre compte. Pour moi c’est normal de poster des photos avec ma copine, comme une personne hétérosexuelle le ferait. Le confinement a été un déclic aussi. J’ai eu beaucoup de temps pour réfléchir. Je n’ai pas posté ces photos avec ma copine parce que les gens ont le droit de savoir, mais juste parce que je n’ai pas peur de dire qui je suis. Dans la réalité je ne me suis jamais cachée. Quand on me demandait ‘il s’appelle comment ?’ je répondais ‘non, elle s’appelle’. Cela me paraissait naturel.
Comment les personnes autour de vous ou vos abonnés ont-ils réagi ?
J’ai reçu des dizaines de messages de félicitations. J’ai été surprise d’en recevoir autant et que des messages positifs, même d’anonymes. Je ne me rendais pas compte de l’impact. C’est donc vraiment le bon timing. Je souhaite en parler pour ne plus en parler. Voici le message que je veux faire passer.
« Je ne trouve pas cela normal, on est au 21e siècle. On a le droit de s’exprimer, d’être qui on est, de s’habiller comme on veut. »
Êtes-vous consciente qu’en dévoilant ainsi votre vie privée, vous êtes la première footballeuse française en activité à afficher ouvertement votre homosexualité ?
Franchement je ne le voyais pas comme ça. Je suis un peu dans ma bulle. Je pense que tout le monde doit regarder chez soi avant de critiquer les autres. Depuis mon plus jeune âge, dès que je l’ai su, je ne me suis jamais cachée dans la “vraie” vie. Donc pour moi, c’est vraiment naturel, c’est le mot. Je m’assume entièrement. Je n’ai pas choisi, j’ai juste accepté qui j’étais.
Tout le monde se doute que vous n’êtes pas la seule. Il y a des signes sur les réseaux sociaux, des prises de parole comme celle d’Elodie Thomis, qui en 2019 avait déclaré que certaines joueuses disaient “il” en parlant de leur compagne. Alors pourquoi aucune personne n’ose clairement l’affirmer ?
C’est dans les mœurs. Peut-être qu’on a peur, aussi. De je ne sais quoi, mais de quelque chose. Si aujourd’hui j’ai décidé de prendre la parole, ce n’est pas pour aller dans le sens de la marche, c’est pour moi. On peut avoir peur des représailles, de recevoir des messages négatifs. On voit tellement de messages homophobes sur les réseaux sociaux donc on n’a peut-être pas envie de lire ce genre de choses le matin au réveil. J’ai vraiment de la chance, ce n’est pas mon cas, mais je pense que ça a pu arriver à des personnes. Je ne trouve pas cela normal, on est au 21e siècle. On a le droit de s’exprimer, d’être qui on est, de s’habiller comme on veut.
Craignez-vous que le fait de vous afficher ouvertement comme une personne homosexuelle impacte votre carrière ou votre relation avec des sponsors ?
Concernant ma carrière, non ça n’a pas d’impact. Je ne me suis jamais cachée. Si on vient me poser la question, je répondrai honnêtement. Je m’assume entièrement. Après il y a des personnes qui décident de le faire, d’autres de ne pas le faire et il faut les respecter aussi. Concernant le sponsoring, je n’ai pas peur non plus. Cela s’appelle de la discrimination, c’est puni. Si ça ne se fait pas avec tel sponsor, moi je ne vais pas me prendre la tête avec eux. Cela ne les concerne pas. Mon homosexualité n’interfère dans rien, que je sois footballeuse, que j’aie des amis, que j’aime aller au cinéma, etc.
La situation française est quand même énigmatique étant donné que dans d’autres pays plusieurs joueuses ont fait leur coming-out, certaines étant même devenues des icônes du mouvement LGBT comme Megan Rapinoe, Ashlyn Harris, Sam Kerr ou Pernille Harder. Vous qui avez joué dans plusieurs pays, comment le ressentez-vous ?
Ce sont des pays plus ouverts que nous sur cette question. D’un pays à un autre ça change. En Angleterre et en Espagne c’est plus ouvert. C’est triste que cela ne le soit pas en France. On a peut-être besoin de plus de temps. Dans d’autres pays, j’ai plein d’amis, hétéro, homo, célibataires, et, en fait, on ne se pose pas cette question. Et c’est ce que j’aimerais pour la France : qu’on ne se pose plus cette question. Je reviens à ce que je disais : j’en parle maintenant pour ne plus en parler après.
«Aujourd’hui, je prends la parole pour dire qu’on est des gens normaux. L’homosexualité ne détermine en aucun cas qui on est, si on est drôle, déterminé, ou autre chose.»
Avez-vous déjà eu l’impression que vous n’étiez pas acceptée en tant que personne homosexuelle ?
Non, jamais. J’ai peut-être eu de la chance. Aujourd’hui, je prends la parole pour dire qu’on est des gens normaux. L’homosexualité ne détermine en aucun cas qui on est, si on est drôle, déterminé, ou autre chose. En rigolant on va me dire ‘t’es un garçon manqué’. Moi je réponds ‘oui et alors ?’. Et du coup, si tu retournes ça, les personnes ne savent plus quoi répondre. Et j’ai toujours fonctionné comme ça. Je me suis toujours dit, tant que ma famille m’accepte, je me fiche de l’avis de quelqu’un lambda. Ce n’est pas à eux que je dois plaire. Je sais la chance que j’ai d’avoir ma famille derrière moi. Si tu pars ainsi, t’es plus forte après. Si tu te fais rejeter au départ, tu vas forcément avoir peur après. On est au 21e siècle, il faut arrêter et avancer, maintenant.
Avez-vous envie de vous affirmer comme un modèle ?
Au début quand j’ai posté ces photos, je le faisais pour moi. Je ne me vois pas comme un modèle. J’ai juste fait quelque chose d’anodin. Je dis ça peut-être parce que cela fait longtemps que je ne suis pas rentrée en France, aussi. Si mon message peut inspirer, tant mieux. C’est une cause qui me tient à cœur. Au départ je ne me rendais pas compte de l’impact, du nombre de personnes que je pouvais toucher. Si je peux participer à ce que l’homosexualité soit vue sous un autre angle, j’aurais fait ma part du travail. Chacun est différent et si on était tous pareil, on s’ennuierait tellement.
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