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Port du voile et sport – bientôt le dénouement ?

Par 19/02/2022 13:16 février 22nd, 2022 No Comments
Depuis un mois, l’autorisation du port du voile sur les terrains de football fait débat au Sénat et dans la société civile. De nouveaux événements survenus ce mercredi pourraient définitivement freiner l’adoption de la loi visant à démocratiser le sport.

Les 18 et 19 janvier derniers, le Sénat a adopté en première lecture une loi visant à démocratiser la pratique du sport en France. Parmi les amendements approuvés, l’interdiction de porter le voile lors de compétitions sportives officielles. Depuis, de nombreuses voix se sont élevées en opposition à cette loi. Pour tenter de se faire entendre, les Hijabeuses protestent à coups de matchs de football dans la rue et de manifestations.

Ce mercredi 16 février, la nouvelle lecture de la loi au Sénat s’est achevée par un rejet du texte, empêchant ainsi son adoption par le Sénat.

L’interdiction du port du voile dans une loi pour démocratiser le sport

Après les délibérations du Sénat sur la loi visant à la démocratisation du sport en France, l’article suivant a été ajouté : 

« Le port de signes religieux ostensibles est interdit pour la participation aux événements sportifs et aux compétitions sportives organisés par les fédérations sportives et les associations affiliées. »

L’amendement qui lui a donné naissance a été proposé par Stéphane Piednoir, sénateur Les Républicains du Maine-et-Loire. Selon l’intéressé, son objectif premier était d’«interdire le port du voile dans les compétitions sportives organisées par les fédérations. » En effet, il soulignait notamment l’existence d’« un flou juridique sur le port de signes religieux » et souhaitait que l’État définisse des règles claires à ce sujet. Son argumentaire se base principalement sur le postulat suivant : la communautarisation à travers l’émergence de « clubs sportifs communautaires promouvant certains signes religieux. »

Anticèche législative pour mieux comprendre le fonctionnement de l’adoption d’une loi

Opposée à cet amendement, la Ministre des Sports, Roxana Maracineanu, a précisé les raisons de son opposition. « Les garanties constitutionnelles interdisent non seulement de cibler une religion plus qu’une autre, comme vous l’avez fait dans votre présentation, monsieur Piednoir, mais également de porter une atteinte excessive et disproportionnée aux libertés publiques individuelles », s’est-elle exprimée. Face à une assemblée soutenant majoritairement la proposition de M. Piednoir, une seule voix s’est élevée en soutien de la ministre. Le sénateur écologiste Thomas Dossus, s’est ainsi exprimé sur la formulation plus générale de l’article : « La rédaction retient le “port de signes religieux ostensibles”. Ces termes incluent-il, par exemple, les tatouages de certains joueurs de football, qui font parfois référence à leurs croyances religieuses ? »  Il mentionne en exemple le footballeur Olivier Giroud et ses tatouages largement révélateurs de ses croyances religieuses : « aurait-t-il pu exercer sa pratique sportive et devenir le champion du monde que nous connaissons si la loi lui interdisait d’exposer ses tatouages. » Un argument qui met en lumière une des ambiguïtés de cet article de loi. 

Après un débat plus qu’agité, l’amendement a finalement été adopté par 160 voix pour et 143 contre.

La riposte des Hijabeuses

Face à cet article de la loi visant à démocratiser le sport, des voix se sont élevées sur les terrains de foot. En tête des contestations, le syndicat des Hijabeuses, une association militant pour la liberté du port du voile dans les compétitions de football.

Alors que l’Assemblée Nationale et le Sénat ne s’étaient pas encore emparés du sujet, les Hijabeuses demandaient déjà « l’abrogation ou la modification de l’article 1er des statuts de la FFF qui interdit le port de tout signe ou tenue manifestant ostensiblement une appartenance religieuse, politique ou syndicale. » En décembre dernier, elles avaient d’ailleurs saisi le Conseil d’État à ce sujet.

Depuis le mois de janvier et les discussions sur la loi pour la démocratisation du sport, leurs actions se sont accélérées. Accompagnées de leurs allié(e)s, elles ont organisé une manifestation et une partie de football rue au Jardin du Luxembourg le 26 janvier. Cette manifestation a été l’occasion de lancer, dès le lendemain, une pétition pour soutenir leur cause et se faire entendre auprès des sénateurs et députés qui s’apprêtaient à délibérer quelques jours plus tard. Progressivement, à mesure que leurs soutiens se sont multipliés, les débats au Sénat et à l’Assemblée Nationale se sont corsés. 

Deux semaines décisives

Le 31 janvier, la commission mixte paritaire (commission équitablement composée de députés et de sénateurs, chargée de trouver un compromis en cas de désaccord entre les deux chambres, ndlr) s’est réunie pour débattre du projet de loi avant de le soumettre à l’Assemblée Nationale en dernière lecture. N’ayant pas trouvé d’accord sur ce sujet, la loi n’a pas été adoptée, puis renvoyée à l’Assemblée Nationale. Percevant ce désaccord comme une première victoire, les Hijabeuses ont donné rendez-vous à leurs soutiens à Paris, sur l’esplanade des Invalides, le 9 février. Alors que la manifestation n’a finalement pas été autorisée par la préfecture, l’Assemblée Nationale a approuvé la proposition de loi en retirant l’article concernant le port du voile. 

Chronologie des événements depuis janvier 2022

Une semaine plus tard, ce 16 février, la commission au Sénat évaluait une fois de plus le sujet. Estimant les désaccords concernant cette loi trop nombreux, elle a adopté une motion de procédure (question préalable), par laquelle « le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur la proposition de loi », avec 208 voix favorables et 129 voix contre. La loi passera donc sans délibérations supplémentaires à l’Assemblée Nationale pour lecture définitive le 24 février prochain : si les députés votent pour l’adoption de la loi, cette décision sera finale. 

Et ensuite ? 

Mais alors, à quoi s’attendre pour la suite ? Étant donné que le texte actuel est en tout point identique à celui validé par l’Assemblée Nationale lors de la précédente lecture, tout porte à croire que ce soit à nouveau le cas lors de la lecture définitive.

De leur côté, déterminées à tenir tête à leurs divers réfractaires, les Hijabeuses continuent le combat. Dans leur communiqué de presse du 19 février, elles appellent leurs soutiens à se retrouver le 24 février pour un « match amical et festif » dans le 14e arrondissement de Paris. 

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