Morgane Nicoli au duel avec Ouleye Sarr – ©MHSC
À tout juste 25 ans, Morgane Nicoli porte fièrement les couleurs du MHSC depuis bientôt dix ans. Si ces années ont été placées sous le signe de la passion, elles ont également été celles de nombreuses guérisons. Lourdement blessée aux genoux à plusieurs reprises, la défenseure revient pour l’Equipière sur les doutes, les déceptions, mais surtout sur ses nombreux rebonds.
« Chez nous en Corse il n’y avait pas de foot féminin, il n’y avait que des garçons.» Alors quand Morgane Nicoli débute le football, sur son île natale, devenir professionnelle n’est pas encore un objectif. Mais en 2012, lorsqu’elle rejoint « le continent », l’idée commence à faire son chemin.
De l’espoir à revendre
Arrivée de Corse en 2012, elle rejoint d’emblée le Pôle espoir féminin, d’abord localisé à Clairefontaine puis à l’INSEP. En parallèle, la joueuse évolue avec le club de Montpellier les week-ends. L’année 2014 avait tout pour être celle du succès. Capitaine du MHSC et de l’équipe de France U19, à quelques mois de sa majorité, elle touche du doigt son ambition de devenir professionnelle et d’évoluer aux côtés de Linda Sembrant, Rumi Utsugi et autres Sofia Jakobsson.
« Forcément, c’est l’aboutissement d’un rêve. Ça faisait des années que je jouais au foot pour en arriver là et je touchais enfin du bout des doigts ce que j’ai toujours voulu », explique-t-elle. Mais à l’aube de l’année 2015, une première embûche vient troubler ses plans.
« Avec tous les sacrifices que j’avais fait avant, je ne pouvais pas lâcher maintenant. »
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Quand le couperet tombe
En décembre, à l’entraînement, elle se blesse, seule. «La première fois, c’était vraiment une blessure de fatigue », se souvient-elle. Le couperet tombe quelques jours plus tard : rupture des ligaments croisés du genou droit.
Un coup d’arrêt pour la jeune joueuse de 17 ans alors. « C’est mon monde qui s’arrête, j’avais le cœur brisé surtout que je commençais à peine à toucher du doigt le monde professionnel. Pour moi c’était la fin. La fin d’une carrière qui, en plus, n’avait pas commencé parce que je n’étais pas encore professionnelle. C’était un coup de massue sur la tête », se remémore la défenseure centrale.
Une déception décuplée par les belles échéances qui l’attendaient. « Je me suis dit “comment vais-je faire pour me remettre de tout ça ?” L’Euro allait arriver et je voulais un contrat pro. Tout m’est passé sous le nez », énumère-t-elle.
Mais malgré sa blessure, la joueuse a pu compter sur le soutien sans faille de sa famille, mais aussi de son club. Une confiance qui lui a permis de trouver les ressources pour rebondir. « Je me suis dit que c’était déjà arrivé à d’autres, que je n’étais pas la première. J’étais très bien entourée sur le plan médical parce que j’étais à l’INSEP. Je ne pouvais pas rêver mieux. J’ai été opérée par un très bon chirurgien à Paris, ma famille a aussi été très présente. Avec tous les sacrifices que j’avais fait avant, je ne pouvais pas lâcher maintenant.»
« Si j’avais su, dès ma première blessure, que tout cela allait m’arriver derrière, j’aurais clairement arrêté. »
Le doute qui s’installe
Après une opération et plusieurs mois de réathlétisation, elle revient courant 2015 sur les terrains et s’invite même dans le groupe de D1, avec lequel elle dispute une rencontre. Mais avant le terme de la saison 2015-2016, un nouveau problème survient. La joueuse doit de nouveau être opérée, du ménisque cette fois.
« Quand je me blesse la première fois, déjà, je me dis que je ne vais jamais m’en remettre. Alors la deuxième fois, pour moi, c’est fini. » Mais son club lui témoigne une nouvelle fois sa confiance. Alors qu’elle sort tout juste d’une opération à l’été, Montpellier lui offre son premier contrat professionnel, à 19 ans. Une marque de confiance dont elle est aujourd’hui encore reconnaissante : « Une fille de 19 ans qui se fait opérer deux fois des genoux et ils me disent ”dès que tu remets un pieds sur le terrain, tu signeras en pro.” Forcément, ça vous met en confiance. »
Désormais professionnelle, elle semble entrevoir le bout du tunnel après deux saisons quasi-blanches. En janvier 2017, la native de Bastia remet le bleu de chauffe, plus déterminée que jamais à se faire une place en équipe première. Mais dès sa première apparition sur le terrain, contre Toulouse en Coupe de France, son genou gauche flanche à son tour avec là encore une rupture des ligaments croisés. Un énième coup du sort difficile à encaisser. « Si j’avais su, dès ma première blessure, que tout cela allait m’arriver derrière, j’aurais clairement arrêté. Je n’aurais pas pris le risque de subir tout ce qui s’est passé derrière. Ça a été tellement compliqué les fois d’après », avoue-t-elle en toute franchise.
« C’est triste à dire, mais on ne s’en remet jamais vraiment. »
Des marques indélébiles
Si son club l’a continuellement mise dans les meilleures dispositions, elle reste lucide sur les séquelles physiques laissées par ces nombreuses blessures. « J’ai douté du début jusqu’à la fin. C’est triste à dire, mais on ne s’en remet jamais vraiment. Aujourd’hui, mes ménisques sont encore fissurés, je commence à avoir de l’arthrose, à tout juste 25 ans. Même musculairement, on ne récupère jamais comme il faut », explique-t-elle.
Des stigmates qui suscitent la crainte d’une nouvelle blessure et influencent les prises de risque. « Au début, ça a beaucoup influencé mon jeu. La première fois que je me blesse, je me blesse seule. Après j’avais peur de mettre ma jambe droite au contact. Et la deuxième fois, je me blesse en essayant de ne pas me blesser. Je pense que j’ai eu un déclic en me disant : “plus tu vas y aller doucement, plus tu vas de faire mal.” »
Une autre crainte subsiste par-dessus tout : celle de ne pas retrouver son meilleur niveau. « Je ne sais pas si un jour je retrouverai mes capacités physiques complètes. J’ai été blessée durant les années les plus importantes, en post-formation, où mon corps change. J’ai encore besoin de plus de temps pour bien récupérer mes capacités. J’espère un jour retrouver mon meilleur niveau», analyse-t-elle avec lucidité.
« S’il faut rester plus longtemps à l’entraînement, je le fais. »
L’école de la vie
Durant sa jeune carrière, la défenseure aura en tout connu trois saisons blanches. Mais depuis 2018, son prêt au LOSC, puis son retour à Montpellier, Morgane Nicoli semble avoir repris du poil de la bête. Convoquée en équipe de France B en 2019, elle discerne rétrospectivement quelques bienfaits à ces épreuves successives.
« L’avantage que j’avais (après chaque blessure) est que j’avais déjà vécu les choses, je n’étais pas dans l’inconnu, je connaissais le process. D’un autre côté, ce qui a été plus difficile c’est qu’au moment de la blessure, je savais ce que c’était et ce que j’allais endurer », confie-t-elle.
L’un après l’autre, tous ces pépins lui ont également appris à connaître son corps et à le préserver. « Je pense que je n’aurais jamais pu connaître mon corps mieux qu’aujourd’hui. Je sais quand ça ne va pas, quand j’ai besoin de repos, quand je suis fatiguée. Je le connais mieux que jamais. Maintenant en termes de récupération, de soins, de massages, s’il faut rester plus longtemps à l’entraînement, je le fais. Je ne rechigne pas sur le temps que je passe au centre d’entraînement. »
Bien plus encore, la jeune Corse a pu mesurer l’importance du soutien de son club.« Ils m’ont fait confiance et je n’aurais pas retrouvé ça ailleurs. J’en discutais avec des amies qui sont dans de gros clubs européens, qui se sont blessées, les clubs les ont délaissées. Ce sont des machines, lorsqu’ils voient que les joueuses ne peuvent plus leur apporter ce qu’il faut, ils passent à autre chose. »
Aujourd’hui derrière elle, toutes ces mésaventures lui ont permis d’en tirer de nombreux enseignements, mais surtout de garder la tête froide et les pieds sur les terrains.