La question de la santé mentale est de plus en plus évoquée dans le sport de haut niveau- ©PSG
La question des blessures fait bien souvent ressurgir les plus terribles images sur la toile. Mais les blessures les plus graves peuvent parfois être les moins visibles. Pour L’Équipière, Sophie Huguet, psychologue du sport spécialisée et préparatrice mentale, revient sur ce pan parfois minimisé dans le sport de haut niveau.
Ce sont les blessures que personne ne soupçonne, qu’aucune radiographie ne saurait déceler. Pourtant, les maux psychologiques ont parfois des conséquences bien plus dramatiques que les cassures physiques. Pour Sophie Huguet, cela ne fait pas l’ombre d’un doute.
Aborder les questions sensibles
Une question tabou, parfois même une honte pour certains. Souvent minimisé, l’entretien de la santé mentale est pourtant capital dans le sport de haut niveau. Si les abandons de Naomi Osaka et de Simone Biles aux Jeux de Tokyo ont surpris le grand public, chez de nombreux athlètes, la parole semble enfin s’être libérée sur ce sujet délicat. “C’est essentiel que l’on en parle, parce qu’on se rend compte qu’à très haut niveau, c’est important que les sportifs soient équilibrés. Et le sport de haut niveau, justement, déséquilibre. Il faut que les sportifs parviennent à mieux se connaître et se comprendre”, affirme Sophie Huguet.
Depuis près de vingt ans, elle travaille auprès de sportifs sur deux plans: la santé mentale, qui occupe la majeure partie de son temps, et la préparation mentale. Deux aspects de son métier, qu’elle tient à distinguer. “Quand on parle de santé mentale, on parle de choses liées à l’accompagnement psychologique. La préparation mentale est liée à la compétition. La santé, c’est lié à son bien-être, à des ressentis”, précise-t-elle.
Sa méthode, elle l’adapte aux besoins de l’intéressé: “J’organise des séances individuelles, avec des discussions qui permettent de comprendre comment la personne perçoit et ressent les choses. A partir de là, on peut utiliser des exercices spécifiques en fonction des besoins. A chaque fois, c’est adapté à la personne.”
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« Les problématiques de groupe sont parfois plus complexes à résoudre chez les femmes »
Le football, un sport particulier
Bien qu’unis par le trait commun de la pression, le football se singularise en de nombreux aspects des autres sports. “C’est sûr que dans le football, il y a une médiatisation plus importante. Les réseaux sociaux, les critiques permanentes, cette visibilité permanente qui impacte”, détaille Sophie Huguet.
Si la différence entre le football féminin et masculin est évidente sur le plan médiatique, elle l’est parfois également sur le plan psychologique. “Travailler avec des hommes et des femmes, c’est différent. Même s’il y a des choses similaires. Les problématiques de groupe sont parfois plus complexes à résoudre chez les femmes. Il y a un besoin de communication et un côté relationnel plus importants que chez les hommes. Lorsqu’il y a des problèmes entre les joueuses, elles sont plus impactées”, analyse-t-elle.
« Il y a une évolution légère mais il y a toujours un tabou autour de ça. Ils ont peur de donner l’image de quelqu’un qui a une faiblesse mentale alors que c’est le contraire »
Une démarche personnelle
Dans de nombreux sports, le sujet fait désormais l’objet d’une attention toute particulière. Une ouverture plus complexe dans le football. “Il y a encore du chemin. C’est un milieu assez “fermé”, qui évolue avec des tendances. Aujourd’hui la psychologie est un peu plus admise. Les clubs ne s’y intéressent pas tellement. Ils ne mettent pas forcément à disposition des psychologues donc c’est aux joueurs de chercher”, explique celle dont la profession a mené jusqu’au Maroc, où elle travaillait au profit de l’Académie de football Mohamed VI.
Ce sont donc, bien souvent, les sportifs qui franchissent individuellement le cap et sollicitent une aide. “Ce sont eux qui font la démarche, pour essayer de comprendre, pour faire un travail sur eux-mêmes lors des périodes où ils sont moins titulaires ou après une blessure. Le suivi permet qu’ils soient toujours prêts à la compétition, ça leur permet d’optimiser au mieux les ressources physiques.”
Une démarche plus fréquente, qui n’est pas toujours simple. “Il y a une évolution légère mais il y a toujours un tabou autour de ça. Ils ont peur de donner l’image de quelqu’un qui a une faiblesse mentale alors que c’est le contraire”, déplore-t-elle.
Des conséquences multiples
S’ils doivent être prises en charge, c’est parce que les troubles psychologiques peuvent avoir à long et moyen terme des répercussions manifestes. “C’est quelque chose de caractéristique dans le sport: les difficultés psychologiques vont se traduire en blessures à répétition. On peut remarquer cela chez les athlètes qui ont un problème d’estime de soi, de confiance en soi. C’est inconscient. Les tensions physiques liées au stress ont des répercussions, parce que le corps est très tendu”, explique-t-elle avant de poursuivre: “Je pense que c’est très important. Ils sont soumis à une pression des résultats, des clubs, des coéquipiers, des médias, des supporters. Il y a toujours des périodes plus difficiles.”
Difficiles à déceler, certains comportements peuvent alerter les proches du sportif. Néanmoins, seul un spécialiste peut clairement diagnostiquer ce dont il/elle souffre et franchir la première étape du processus.