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Sébastien Bader (FC Bâle) : « Le football féminin suisse évolue dans la bonne direction. »

Par 28/04/2021 10:00 No Comments
 © Philipp Kämpf
Tout comme son homologue masculin, le FC Bâle féminin ambitionne de réussir grâce à la formation. En attendant, le club rhénan se bat avec ses armes et le fait plutôt bien. Entretien avec son entraîneur français Sébastien Bader.

Pouvez-vous tout d’abord nous raconter votre parcours jusqu’à votre arrivée au FC Bâle en 2016 ?

J’ai joué au football avant de passer mes diplômes d’entraîneur. Je suis passé par diverses équipes de jeunes M15, M17 dans la région de Mulhouse et j’ai obtenu ma licence A à Châteauroux. Parallèlement à mon activité professionnelle de chargé d’affaires, j’ai pu entrer au FC Bâle comme recruteur sur le secteur France et j’ai monté un projet de scouting du côté des féminines. Du fait de posséder une licence A et de par mon bon travail de recrutement, on m’a ensuite proposé d’entraîner les U19 jusqu’en décembre 2019, moment auquel j’ai pris les rênes de la première équipe. L’entraîneur principal n’ayant pas cette licence, il a été démis de ses fonctions et je l’ai remplacé.

Quel est votre regard sur le football féminin en Suisse ?

Depuis la Coupe du Monde en France, le football féminin est en plein essor. Il reste encore du chemin à parcourir en Suisse. Les choses se font bien, grâce au sponsoring d’AXA (ndlr, sponsor principal de la première division depuis cette saison) mais aussi grâce à Tatjana Haenni, responsable du football féminin à la fédération. Elle a mis en place une vraie structure pour que tout se professionnalise petit à petit. On voit des clubs avec de vrais projets émerger comme Servette, Young Boys et nous aussi. Il y a également de plus en plus d’intérêt pour le football féminin en Suisse, grâce à la médiatisation qui se fait progressivement au niveau des clubs. Mais il faut encore en faire plus au niveau de la communication pour augmenter l’attractivité du championnat. 

L’équipe nationale y est également pour beaucoup dans l’intérêt croissant porté aux femmes, grâce à de bons résultats ces dernières années. On espère qu’elle puisse se qualifier pour le prochain Championnat d’Europe (ndlr, ce qui est désormais chose faite)

« La fédération a mis en place une vraie structure pour que tout se professionnalise petit à petit »

Quelle est la stratégie du FC Bâle pour son équipe féminine ?

Quand je suis arrivé au club, l’équipe était principalement composée de mercenaires. Il y a environ deux ans, la stratégie a changé pour s’articuler autour de la formation. Nous n’avons plus besoin d’acheter 12-13 joueuses et de compléter l’effectif avec des joueuses du club, le ratio s’est complètement inversé. Cela avait très bien fonctionné pour l’équipe masculine qui, avec des joueurs formés au club (Xherdan Shaqiri, Granit Xhaka, Yann Sommer, etc), a dominé le championnat suisse pendant une décennie. Le but est d’essayer de reproduire cela du côté féminin.

 © Klaus Brodhage

Quel est le statut des joueuses bâloises ? Le club propose-t-il des solutions pour que le maximum de leur énergie puisse être dédié à la pratique de leur sport ?

Actuellement, seules deux-trois joueuses sont professionnelles. La plupart sont semi-professionnelles et ont donc un emploi – ou sont étudiantes – à côté du terrain. Certaines travaillent au sein du club comme coach ou dans la cellule de performance. Il faut bien évidemment professionnaliser tout ça, mais ça demande des fonds, du budget, et avec la pandémie qui a mis un gros coup d’arrêt à l’essor du football féminin, ça reste compliqué pour le moment. Je trouve ça vraiment dommage parce qu’on en demande beaucoup aux joueuses, de gérer à la fois un emploi à temps partiel voir à temps plein tout en pratiquant un sport au plus haut niveau possible.

Riola Xhemaili fait partie des grands espoirs du football helvétique, que pouvez-vous nous dire sur elle ?

C’est une milieu relayeuse box-to-box de grand talent qui est polyvalente dans les postes qu’elle peut occuper. Elle arrive à un tournant dans sa carrière : pour réaliser son potentiel, elle doit franchir un nouveau palier. C’est probablement sa dernière ou avant-dernière année en Suisse avant de partir dans un championnat plus adapté à ses performances. Je pense à l’Allemagne ou à l’Angleterre, où elle rêve de jouer. Cette saison, elle a passé un cap en s’imposant comme titulaire indiscutable à seulement 17-18 ans et en fêtant ses débuts avec la Suisse contre la France. Cela lui a permis de comprendre où elle doit progresser pour pouvoir jouer à un rythme plus élevé et à un plus haut niveau que ce qui se fait en Suisse. 

Vous venez de mentionner son jeune âge et son potentiel, on imagine que sa marge de progression est encore large ?

Elle doit améliorer sa condition physique, sa créativité sur le terrain et son hygiène de vie en-dehors. Elle doit être plus mobile et plus dynamique au vu de la position qu’elle occupe. Elle est excellente dans son rôle de relayeuse mais, avec ses qualités techniques et de puissance, elle pourrait jouer encore plus haut en créant plus de jeu et en tentant également de marquer plus de buts. De notre côté, on essaie de l’aider en lui permettant de s’entraîner une fois par semaine avec les M17 masculins du centre de formation. Enfin, elle doit également essayer d’éviter de tomber dans la facilité. Ce n’est pas évident parce qu’elle manque d’opposition lors des matchs (sauf contre Servette ou Zurich) et de concurrence aux entraînements. Raisons pour lesquelles il faut qu’elle sorte de sa zone de confort en partant à l’étranger.

 © Klaus Brodhage

« C’est probablement la dernière année de Riola Xhemaili en Suisse avant de partir dans un championnat plus adapté à ses performances. Je pense à l’Allemagne ou l’Angleterre, où elle rêve de jouer »

Troisième au moment de l’arrêt du championnat l’année passée, quel était l’objectif de cette saison 2020-21 ?

Le club n’a pas défini d’objectif en tant que tel, si ce n’est de continuer à appliquer la stratégie mise en place de développer nos jeunes joueuses formées au club. Actuellement, nous avons le deuxième effectif le plus jeune de la ligue. Ça nous permet d’aller gagner des matchs à l’envie, à l’énergie. Mais ça peut aussi nous jouer des tours en termes de manque d’expérience. Nous avons aussi beaucoup de blessures depuis deux ans et c’est quelque chose qu’il faudra analyser. Mais mon staff et moi-même avons émis le souhait de terminer sur le podium.

Le FC Bâle avait bien commencé la saison avant d’enchaîner les défaites pendant plusieurs rencontres. Que peut-on attendre du club rhénan d’ici la fin du championnat ?

Qu’il continue de se battre avec ses armes, de ne rien lâcher. C’est vrai que les mauvais résultats se sont enchaînés sur la fin 2020 mais ils étaient surtout le résultat d’erreurs individuelles – qui se paient cash à ce niveau – plutôt que d’une baisse de qualité de jeu et de qualités mentales. Nous avons aussi été victimes de la Covid pendant la préparation en février, tant au niveau des joueuses que du staff. J’ai moi-même été arrêté trois semaines. On a dû me remplacer au dernier moment pour le choc face à Servette, lors duquel nous avons encaissé cinq buts. Tout au long de la saison, nous avons essayé de créer du jeu et nous continuerons à le faire jusqu’au terme du championnat, en espérant que ça nous permette d’accrocher la troisième place.

De quel type de joueuse l’équipe a-t-elle besoin, selon vous, pour se renforcer lors du prochain marché des transferts ?

Il n’y a pas vraiment de type spécifique de joueuse dont l’équipe a besoin. Si le FC Bâle doit devenir champion de Suisse – ce que le club souhaite bien évidemment – il le sera avec des joueuses du cru. Il faut leur laisser du temps et les encadrer avec 2-3 joueuses d’expérience. Peut-être des joueuses en fin de carrière qui souhaitent transmettre leur connaissance du football aux plus jeunes. Un peu à l’image de ce que Servette a fait avec les arrivées des taulières Gaëlle Thalmann, Caroline Abbé et Sandy Maendly.

 © Klaus Brodhage

Vous êtes à la tête de la première équipe féminine depuis décembre 2019. Après seulement quelques matchs, la pandémie a mis prématurément fin à la saison. Cela n’a pas dû être une période facile à gérer pour vous, pouvez-vous nous dire comment vous l’avez traversée ?

J’étais déjà surpris qu’on me propose ce poste, parce que je ne me projetais pas comme entraîneur de la première équipe. J’étais bien avec les M19 mais je pensais même arrêter le coaching parce que ma passion, c’est plutôt de recruter. Ce n’était donc pas évident de reprendre un nouveau groupe, surtout que la pandémie arrive après seulement trois matchs. Le contexte sanitaire est difficile en Suisse et partout en Europe. On perd le football puisque le sport s’est retrouvé complètement à l’arrêt, puis seulement à la TV. Ensuite, sachant qu’on reprendrait en été pour la nouvelle saison, on s’est attelés à recréer un effectif. Mais au fur et à mesure que la saison avançait, on s’est aperçus que la Covid reprenait le dessus et il a fallu commencer à gérer les questions de quarantaine voire d’isolement.

Concrètement, pouvez-vous décrire ce que la crise sanitaire a changé au quotidien pour votre équipe ?

Il faut respecter le protocole sanitaire mis en place par le FC Bâle en collaboration avec la fédération. On a mis en place tout ce qui relève des gestes barrières comme les masques ou la mise à disposition de gel hydroalcoolique. En ce qui concerne l’utilisation des vestiaires, on a créé un planning de rotation qui n’autorise que cinq joueuses à la fois pour se changer ou se doucher. Avant de monter dans le car et une fois dedans, il y a aussi un protocole à respecter. Lors de la préparation, lorsque nous nous déplacions à l’étranger, nous nous faisions tester comme exigé dans le cadre des voyages. Par contre, contrairement à ce qui est en place en France, il n’y a pas de programme de test lors de déplacements ou de matchs à l’intérieur du pays. 

Qui voyez-vous remporter l’AXA Women’s Super League ?

Avant les résultats d’hier soir (ndlr, l’entretien a été réalisé le jeudi 25 mars 2021), je pensais que Zurich avait encore toutes ses chances. Mais avec leur match nul contre nous, combiné à la victoire sur le fil de Servette contre Young Boys, je vois mal comment le titre pourrait échapper à Servette (ndlr, Zurich a battu Servette depuis, le suspense reste donc entier).

 © Klaus Brodhage

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