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Femme et entraîneure : Portrait de Tess David, joueuse du Stade Reims

Par 24/11/2020 09:00 No Comments
Tess David
Tess David sur le terrain – ©Stade de Reims
Professionnelle au Stade Reims, Tess David est aussi coach dans les sections masculines de préformation du club. Au cœur d’un double projet, elle a accepté de revenir pour L’Équipière sur ce parcours spécial et inspirant. Entretien.

« Depuis combien de temps entraînez-vous ? Comment vous est venue cette vocation et cette passion ?

J’ai commencé quand j’avais 17 ans, j’étais dans mon club de village avec mes copains. Je voulais essayer, j’ai fait arbitre, aussi. Et voilà, on m’a proposé d’intervenir avec les petits, ça m’a plu donc j’ai commencé à passer mes diplômes. C’est quelque chose que j’ai apprécié, c’était un autre rôle. Les enfants nous voyaient un petit peu comme -je ne dirai pas leurs idoles, loin de là- mais je vais dire leur référent. Le fait qu’on essaye de leur apprendre ce qu’on nous on a appris, c’était un rôle que j’aimais bien. Donc quand je suis arrivée au Stade de Reims, à 19 ans, on m’a proposé d’intégrer l’école de foot et j’ai tout de suite accepté. Ça s’est fait naturellement. J’avais un peu laissé tomber quand j’étais à Troyes. Et quand je suis revenue ici, le fait de pouvoir être joueuse et coach m’a incitée à reprendre mes formations et c’est parti un peu comme ça.

«   Quand on est joueuse, on est forcément un peu plus crédible à leurs yeux.  »

Quels objectifs avez-vous pour vos jeunes pour cette saison ?

Collectivement, le but en préformation, c’est de préformer – comme son nom l’indique. C’est-à-dire préparer les garçons sportivement à une entrée au centre. C’est aussi les préparer sur l’aspect humain, à l’exigence que demande un centre de formation, à leur double projet. Ce sont des garçons qui sont à l’école et qui ont quatre entraînements par semaine. On n’est pas là pour les éduquer mais leur inculquer les valeurs du club, la solidarité, l’humain, et l’humilité. Notre rôle, il est là. Sportivement, en tant qu’équipe dans cette catégorie, on n’est vraiment pas dans le résultat. 

Comment se passe ce deuxième confinement pour vos jeunes joueurs ? 

Pour les enfants, le deuxième confinement est un peu différent parce qu’au Stade de Reims, on marche avec une section sportive. Donc les U14/U15 -la catégorie dont je m’occupe- sont affiliés à une section sportive au collège François Legros, ce qui fait que certains garçons peuvent s’entraîner. Il y a une distanciation à respecter donc ils ne peuvent pas faire de jeu. Mais ils peuvent continuer à avoir une pratique sportive puisque c’est dans leur emploi du temps scolaire, comme une séance de sport, en fait.

Lors du premier confinement, vous avez été confrontée à une forme de double confinement, en tant que joueuse mais aussi en tant que coach. Comment avez-vous géré cette situation ?

En tant que joueuse, on a eu un programme à faire individuellement tout au long du confinement avec des visios etc. On était toujours en contact avec les joueuses et le staff. Et pour les petits, on avait un groupe WhatsApp avec les enfants où on leur envoyait des défis à réaliser qu’ils nous envoyaient en vidéo. On les appelait aussi régulièrement, une fois par semaine. C’est important que les enfants sachent qu’on est là, qu’on s’intéresse à eux et qu’on les suit. Donc surtout sur l’aspect mental, un peu comme nous en tant que joueuses. 

Votre expérience en tant que joueuse professionnelle est-elle un atout pour être écoutée de vos joueurs ?

C’est différent des clubs amateurs, où c’est sûr que ça aide. On est les plus grands du club, donc forcément ils s’identifient à nous. Dans mon cas, en tant que femme, mon rôle de joueuse m’a crédibilisée d’avantage. Parce que c’est un monde où, dans les centres de formation professionnelle, il n’y a pas beaucoup de femmes. En préformation non plus. Et le fait d’être joueuse intéresse les enfants. Quand on est joueuse, on est forcément un peu plus crédible à leurs yeux. Je pense qu’à mes débuts, oui ça m’a aidé à m’intégrer. Que ce soit avec mes collègues ou avec les garçons.

Comment qualifieriez- vous votre style de management ?

Je m’appuie un petit peu sur les expériences que j’ai eues et surtout sur ma personnalité. Je suis encore dans l’apprentissage, bien évidemment. Je suis dans un club pro donc c’est un peu différent du foot amateur. On essaye notamment d’être plus exigeants et ça, j’ai appris à l’être aussi. Mais dans le management, j’essaye d’être proche des joueurs. J’ai été à leur place, être proche, à l’écoute, essayer de fédérer et d’avoir un groupe, je sais que c’est important. 

Comment cette expérience de coaching vous aide-t-elle en tant que joueuse ? Notamment dans la vision du jeu ou l’utilisation du terrain ?

Je dirais dans l’approche, surtout. Ça fait quelques années que je suis en préformation et je sais que dans l’approche, dans la réflexion, ça m’aide beaucoup. Parce que j’essaye de réfléchir un peu plus à ce que je fais. Peut-être aussi dans mon organisation des séances. Être plus pointue avec moi-même, plus exigeante et surtout savoir ce que je fais, pourquoi je le fais. C’est une chose à laquelle je ne réfléchissais pas forcément. Je jouais sans trop me poser de questions et c’est vrai que ça m’a aidé à m’en poser, à réfléchir. Là-dessus, ça m’a apporté.

« Jouer et entraîner, ce sont deux choses différentes mais j’y trouve mon équilibre »

Aujourd’hui, le football est-il votre unique activité professionnelle? 

Aujourd’hui oui. Parce que j’ai la chance que le club fasse tout pour me mettre dans les meilleures conditions. Ça se professionnalise énormément depuis un certain temps. Avec les filles, on a des entraînements le matin. Les enfants s’entraînent l’après-midi, donc je suis dans de bonnes dispositions. Côté professionnel avec les enfants, mes directeurs et les personnes autour font en  sorte que mon emploi du temps soit aménagé.

Vous parvenez à avoir assez de temps pour concilier vos deux carrières?

Tout a été adapté pour que je me sente bien. C’est sûr que dans le foot, si on a qu’une seule mission, on est un peu plus frais mentalement.  Mais c’est un choix aussi de préparer mon après-carrière, de ne pas faire que du foot. Ça a été bien aménagé pour moi. Surtout depuis que nous sommes en D1. Donc ça va !

Je vais aux matchs quand je peux y aller. C’est-à-dire seulement quand  il n’y a pas de match en D1 le samedi. Après, c’est vrai que depuis le début de saison, on a pas mal joué le vendredi et j’ai pu être là. Notamment sur les semaines où il y a des coupures pour les matchs internationaux. Je n’ai plus les chiffres en tête, mais j’ai fait quatre matchs sur sept avec les garçons. Ça me permet de bien suivre leur évolution. 

Vous êtes à ce jour, titulaire du BMF, Brevet de Moniteur de Football, depuis 2018, Voulez-vous passer d’autres diplômes d’entraîneur ?

Oui, c’est quelque chose que je vise, de me former au maximum. Là, j’ai le BMF. La prochaine étape c’est le BEF (Brevet d’Entraîneur de Football). Maintenant, j’ai 25 ans, j’ai encore envie de jouer au foot. Je sais que si je veux évoluer en tant qu’éducatrice et me former, il faut que je mette le foot un peu de côté en tant que joueuse. Pour l’instant ce n’est pas mon objectif à court terme. À long terme, c’est de passer mes diplômes et d’évoluer.

Aujourd’hui, entre jouer ou entraîner, lequel vous procure le plus de plaisir ?

A l’heure actuelle, j’ai du plaisir dans mes deux missions. Sinon, j’en arrêterais une. Je suis super heureuse d’aller m’entraîner. Dès que je suis avec les enfants c’est la même chose. Jouer et entraîner, ce sont deux choses différentes mais j’y trouve mon équilibre. Parce qu’être dans le foot toute la semaine n’est pas forcément quelque chose d’évident. Mais je m’y retrouve. Dans mon rôle de joueuse je m’amuse, je prends du plaisir aux entraînements, aux matchs. Je me vide la tête. Et quand je suis dans mon rôle d’éducatrice, c’est un autre rôle qui me plait également. Je prends du plaisir dans mes deux activités, sans hiérarchie. Je m’épanouis dans mes deux rôles. 

Pour finir, où vous voyez-vous entraîner plus tard? 

J’ai la chance d’être dans une structure professionnelle, d’être entourée d’entraîneurs formés et diplômés, donc forcément j’apprends. C’est mon but d’entraîner plus tard. À long terme, je ne sais pas si l’objectif sera d’être dans la formation ou à la tête d’une équipe, avec des filles ou des garçons. Mais je sais que ça sera dans le foot et dans le sport en tout cas.

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